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Commode : né le 31 août 161 à Lanuvium, Italie, mort le 31 décembre 192 à Rome

Titre : Imperator Caesar Lucius Aurelius Commodus Augustus (18 mars 180 - 31 décembre 192 : 12 ans, 9 mois et 12 jours )

Nom

Commodus
Commode
Roman-Germanic Museum, Cologne

Lucius Aelius Aurelius Commodus

Naissance

Il naît le 31 août 161 à Lanuvium, ville située à une vingtaine de kilomètres au Sud-Est de Rome, l'année même où son père accède au trône impérial.

Père

Marc Aurèle.

Mère

L'impératrice Annia Galeria Faustina Junior

Cursus

A l'origine, il porte le nom de Lucius Aurelius Commodus. Il est le dixième des quatorze enfants de Marc Aurèle. Son jumeau décède à l'âge de quatre ans. Commode est le seul des huit fils du couple impérial à avoir survécu à l'enfance.

Une tradition ultérieure prétend que Marc Aurèle aurait été déçu par son fils. Les faits démontrent au contraire qu'il l'a toujours vu comme son successeur. En 166, à cinq ans, Commode reçoit le titre de César; en 171, il adopte le cognomen de son père, Germanicus. En 176, il partage le triomphe de Marc Aurèle à Rome et, en 177, il est élevé au rang de coempereur sous le titre d'Imperator Caesar Lucius Aurelius Commodus Augustus. La même année, il exerce sa première fonction de consul, bénéficiant d'une dispense en raison de son jeune âge.

En 178 et 179, Marc Aurèle et Commode mènent ensemble les campagnes sur le front danubien. La campagne prévue pour 180 débute à peine lorsque Marc Aurèle s'éteint. Commode suspend les opérations et regagne Rome, contre l'avis de son père. Pour beaucoup, cette décision est infamante. Rien n'indique pourtant que la guerre aurait résolu durablement le problème de la frontière Nord, même en transformant une vaste partie de l'Europe centrale en province romaine. De plus, la paix négociée par Commode est très avantageuse pour Rome et assure plusieurs décennies de calme sur cette frontière.

De retour à Rome, Commode révèle une personnalité singulière et controversée. Lors de la procession triomphale du 22 octobre 180, il affiche une grande affection pour un certain Saoterus, qu'il installe à ses côtés dans le char impérial et qu'il embrasse à plusieurs reprises durant la cérémonie. Nommé chambellan, Saoterus inaugure une longue série de dignitaires influents qui gouverneront l'empire en lieu et place de Commode.

Portrait

Enfant, Commode, bien que robuste physiquement, est un garçon faible, timide, paresseux et gâté. Adulte, même s'il ne se sent à l'aise qu'en compagnie des gladiateurs, il n'est pas le tigre sanguinaire dépeint par les biographes antiques. Sa grossièreté, son ivrognerie, ses excès et sa brutalité ne sont peut-être qu'une révolte contre la morale austère de son père.

Mariage

En 177, Marc Aurèle le marie à Bruttia Crispina, fille d'un consulaire lié de longue date à la famille impériale depuis l'époque d'Hadrien. Elle trouve la mort vers 183, exilée puis exécutée.



Dies imperii : 7 mars 161

Règne

Les deux empereurs n'ont guère le temps de célébrer leur victoire. Fin 166 ou début 167, six mille Lombards traversent le Danube et envahissent la Pannonie supérieure, obligeant Marc Aurèle et Lucius Commode à intervenir dans la région. Au printemps 168, ils se dirigent tous deux vers le Nord. Sur le Danube, ils commandent neuf légions, renforcées par quatre autres sur le Rhin et deux en Dacie, dans ces territoires conquis au-delà du fleuve. Commode est en réalité le premier empereur né dans la pourpre, alors que son père exerçait déjà le pouvoir. Au cours des quatre-vingts années précédentes, les empereurs choisissaient leurs successeurs en fonction de leurs mérites et non de l'hérédité. Il faut remonter à Domitien pour trouver le dernier empereur ayant hérité du trône de son père. La stabilité de cette période démontre le succès parfait de la procédure d'adoption, qui a offert à l'empire une paix dynastique. Il poursuit ainsi la campagne militaire de son père, si bien qu'en 180, il signe une paix victorieuse avec les Quades et les Marcomans et regagne Rome en octobre de cette année-là.

Marc Aurèle avait entouré son fils de conseillers dont la sagesse et l'intégrité suscitaient chez Praetinus un respect teinté de distance. Durant les trois premières années de son règne, ils préservèrent les formes et l'esprit même de l'ancienne administration. Entouré de ses compagnons de débauche, le jeune empereur s'abandonnait aux plaisirs avec toute la liberté qu'offre le pouvoir absolu ; mais ses mains n'étaient pas encore souillées de sang.

La première conjuration

Alors que tous espèrent que ce jeune empereur de dix-neuf ans marchera dans les pas de son père et suivra son exemple, une tentative d'assassinat fait basculer son règne dans l'horreur.

Lucilla, veuve de Lucius Verus - l'ancien co-empereur de Marc Aurèle -, supporte mal d'être reléguée au second plan derrière Bruttia Crispina, la nouvelle impératrice. Elle ourdit alors un complot contre Commode avec le concours de quelques sénateurs. L'empereur n'en réchappe que de justesse.

Elle charge son neveu, Claudius Pompeianus Quintianus, d'attendre Commode à l'entrée du Colisée, un poignard caché sous son manteau. Lorsque l'empereur approche, Quintianus bondit de l'ombre, l'arme brandie. Au lieu de frapper immédiatement, il lance théâtralement : "Voici le poignard que t'envoie le Sénat !" Les gardes impériaux le maîtrisent sur-le-champ et le désarment.

Exilée à Capri, Lucilla y est exécutée peu après.

Commode, indemne mais profondément choqué par l'attentat, l'est encore davantage quand Saoterus est assassiné peu après (probablement pour un motif distinct). Les représailles sont impitoyables.

Il fait exécuter Lucilla et Quintianus, puis Taruttienus Paternus, préfet du prétoire, accusé d'avoir trempé dans le meurtre de Saoterus. Tigidius Perennis, qui partageait jusqu'alors le commandement de la garde avec Paternus, se retrouve seul maître des prétoriens et véritable chef du gouvernement.

Terrifié pour sa vie, Commode disparaît presque totalement de la scène publique : il ordonne que tous les messages lui soient transmis exclusivement par l'intermédiaire de Perennis.

Persuadé que des assassins le guettent à chaque coin de rue, Commode pense les mater en instaurant à Rome un climat de terreur et en encourageant la délation. Il voue au Sénat une haine acharnée et s'acharne sur les amis de son père, ces conseillers que Marc Aurèle lui avait légués pour le guider.

Privé de ces appuis, Commode délaisse totalement le pouvoir de 182 à 185 et le laisse aux mains du préfet du prétoire Tigidius Perennis. Celui-ci, pour régner sans partage, flatte la paresse et les excès de l'empereur. Mais sa politique trop personnelle finit par lui coûter la vie : ses propres soldats le mettent en pièces.

De 185 à 189, Commode abandonne le pouvoir à Cléandre, un ancien esclave élevé au rang de chevalier. Pour s'enrichir, ce dernier monnaye les magistratures : on dénombre ainsi vingt-cinq consuls pour la seule année 189. Il fait exécuter ou pousser au suicide de hauts personnages. Sa politique de terreur finit toutefois par causer sa perte.

De 190 à 192, Commode sombre peu à peu dans la démence. Il se prend pour Hercule. La cour, livrée aux favoris et aux maîtresses, n'est plus qu'un nid d'intrigues, de complots et d'assassinats.

Si Commode sème sang et mort à Rome, l'Empire n'en pâtit pas. L'administration tourne sans heurt. Les centres de décision provinciaux fonctionnent. La paix règne. Les folies de Commode n'affectent pas les finances publiques. Passionné de cultes orientaux, il ignore superbement les chrétiens, qui ne subissent aucune persécution - contrairement à l'époque de Marc Aurèle. Il renforce méthodiquement les limes rhénan, rhétique et danubien.

Le règne de Perennis

Pendant que Perennis exerce le pouvoir, Commode s'abandonne à une vie de plaisirs et de débauche. On dit qu'il aurait possédé un harem de trois cents concubines et de trois cents jeunes gens, issus de divers milieux, dont certains auraient été achetés, d'autres enlevés. Et l'on ajoute qu'il aurait organisé des orgies, tous sexes confondus. Quelque soit la vérité, il reste que Commode a une sérieuse réputation de dépravé.

Cette situation perdure jusqu'en 185, avec la chute de Perennis. Selon certains, le préfet, devenu omnipotent, aurait projeté d'éliminer Commode pour placer l'un de ses fils sur le trône. Une délégation de mille cinq cents soldats mécontents, issus de l'armée de Bretagne, se rend à Rome pour, dit-on, alerter l'empereur du péril. En réalité, ils semblent plutôt avoir dénoncé la corruption du régime, ou peut-être la répression brutale par Perennis d'une mutinerie survenue plus tôt dans l'année au sein de cette même armée. Quoi qu'il en soit, Commode ordonne l'exécution immédiate de Perennis et de ses fils. Un nouveau chambellan, le célèbre Cléandre, prend alors les rênes du gouvernement.

Ascension et chute de Cléandre

Ancien esclave originaire de Phrygie, Cléandre gravit progressivement les échelons jusqu'aux plus hautes fonctions de la maison impériale. Homme compétent sans doute, il est aussi cupide et sans scrupules, exploitant sa position pour accumuler une fortune personnelle. Comme Perennis avant lui, son pouvoir repose sur sa capacité à garantir à Commode le mode de vie qu'il désire. Cléandre monnaye ouvertement les charges publiques et les commandements militaires. Cette pratique culmine avec la nomination de vingt-cinq consuls en une seule anneacute;e. Il conserve une grande partie des recettes pour lui-même, mais veille à reverser des sommes substantielles à Commode.

C'est à cette époque qu'a lieu le second attentat contre l'empereur. L'instigateur du complot est totalement étranger à la maison impériale : un certain Maternus, déserteur devenu brigand, qui soulève une révolte en Gaule. Il projette d'assassiner Commode lors de la fête de la Grande Déesse, célébrée en mars 187 à Rome. Mais les conjurés sont dénoncés et Maternus exécuté avant la cérémonie.

La chute de Cléandre intervient en 190, au milieu d'une grave pénurie de grains probablement orchestrée par ses adversaires. Le peuple est persuadé que Cléandre a utilisé son immense fortune pour accaparer tout le blé disponible et créer une disette artificielle. Le vrai responsable est en réalité le commissaire aux grains Papirius Dionysius, qui a pris des mesures aggravant la pénurie naturelle afin d'en faire porter la faute à Cléandre. Une émeute éclate au Circus Maximus. La foule furieuse emprunte la via Appia vers le sud et marche jusqu'à la villa des Quintilii, à six kilomètres de Rome, où réside Commode, pour exiger l'exécution de Cléandre. Ce dernier ordonne à la cavalerie de reconduire le peuple dans la ville, mais, une fois sur place, les soldats perdent tout contrôle de la situation. Ils sont assaillis depuis les toits, tandis que les cohortes urbaines - la police de Rome - se rangent du côté des émeutiers.

C'est à ce moment que Commode apprend les événements. Terrifié pour sa vie, il fait venir Cléandre et ordonne son exécution immédiate. La foule, transportée de joie, se jette sur le cadavre du ministre déchu, lui arrache la tête et la promène au bout d'une pique à travers Rome. Commode regagne alors la ville, accueilli par les acclamations d'un peuple soulagé. Tirant la leçon de l'épisode, il choisit de ne plus confier le pouvoir à un tout-puissant favori et se place désormais seul au premier plan. Mais on comprend rapidement que cette solution ne correspond pas vraiment à ce que le peuple romain attendait.

Dieu et gladiateur

C'est après l'exécution de Cléandre que Commode commence à glisser dans la mégalomanie. Les multiples attentats dont il a réchappé ont-ils brisé son équilibre mental ? Toujours est-il qu'il exige du Sénat qu'on le divinise de son vivant et se proclame l'égal de Jupiter. Pourtant, dans le panthéon, son véritable héros reste le demi-dieu Hercule. Il abandonne son nom de Commode, fils de Marc, pour se faire appeler Hercule, fils de Jupiter. Lors des cérémonies publiques, il apparaît drapé dans une peau de lion et brandissant une massue.

Autre manifestation de cette démesure : il rebaptise les douze mois de l'année d'après ses propres titres et surnoms : Amazonius, Invictus, Felix, Pius, Lucius, Aelius, Aurelius, Commodus, Augustus, Herculeus, Romanus, Exsuperatorius. Exsuperatorius, "le Suprême", est un titre réservé à Jupiter; Amazonius, quant à lui, le rapproche encore d'Hercule, vainqueur des Amazones.

En 191, un violent incendie déclenche chez Commode une nouvelle flambée mégalomaniaque. Les flammes ravagent le temple de la Paix, où de nombreux Romains entreposaient leurs biens précieux, ainsi que le temple de Vesta et la statue sacrée qu'Enée aurait, selon la légende, rapportée de Troie. De vastes quartiers du centre-ville sont dévastés et nécessitent d'importantes réparations. Commode y voit l'occasion de se proclamer second fondateur de Rome et rebaptise la cité "Colonia Commodiana".

A la fin de son règne, Commode se fait de plus en plus rancunier et menace ouvertement les sénateurs. Pendant qu'il refonde Rome et se proclame dieu vivant, les exécutions se multiplient. C'est pourtant dans l'arène qu'il révèle l'ampleur de son excentricité.

Armé de flèches à pointe en croissant, Commode interrompait souvent la course fulgurante des autruches et tranchait d'un seul coup leur long cou. Une panthère venait d'être lâchée et bondissait déjà sur un condamné tremblant : en un éclair, la flèche part, l'animal s'effondre, l'homme est sauvé. Cent lions envahissent simultanément l'arène; cent traits, lancés de la main infaillible de Commode, les abattent l'un après l'autre tandis qu'ils parcourent le sable. L'Inde et l'Ethiopie avaient fourni les bêtes les plus rares; certaines n'étaient connues des Romains que par les tableaux des peintres ou les récits des poètes. Dans tous ces spectacles, on prenait les plus extrêmes précautions pour qu'aucun de ces fauves, dans un sursaut désespéré, ne porte atteinte à la personne de l'Hercule romain, peu soucieux, sans doute, de respecter la majesté impériale ou la divinité de l'empereur.

Le paroxysme est atteint lors des jeux de novembre 192. Commode s'approche des gradins réservés aux sénateurs, brandissant de la main gauche la tête fraîchement tranchée d'une autruche et, de la droite, une épée encore dégoulinante de sang. Par ce geste muet mais éloquent, il leur fait clairement comprendre qu'il pourrait leur trancher la gorge aussi facilement qu'à l'animal.

Pendant que se déroulent les jeux de novembre, Commode prépare d'autres spectacles pour le 1er janvier 193, destinés à célébrer la fondation de la nouvelle Rome, la Colonia Commodiana. Il y apparaîtra en personne sous les traits d'Hercule Romanus Conditor, "Hercule fondateur de Rome". Son projet va plus loin : les consuls nouvellement élus devront, le jour même de leur entrée en fonction, descendre dans l'arène comme gladiateurs tout en conservant leur dignité consulaire.

Un attentat réussi

Dans cette atmosphère de mégalomanie sanguinaire, plus personne n'est à l'abri. Commode a atteint le sommet du vice et de l'infamie. Au milieu des applaudissements d'une cour avilie, il ne peut ignorer qu'il s'attire le mépris et la haine de tous les hommes honnêtes et vertueux. L'Histoire a conservé une longue liste de consulaires tombés sous ses soupçons. Il traque avec une attention particulière ceux qui, même de très loin, ont le malheur d'être liés à la famille des Antonins; il n'épargne ni les complices de ses crimes ni les compagnons de ses plaisirs.

Sa cruauté finit par se retourner contre lui. Il a pu impunément verser le sang des premiers citoyens de Rome; il succombe dès l'instant où il devient redoutable à ses propres proches. Marcia, sa favorite, Eclectus, son chambellan, et Laetus, préfet du prétoire, épouvantés par le sort de leurs prédécesseurs et de leurs compagnons, décident de devancer la mort qui leur semble inéluctable. Ils vivent dans la terreur permanente d'être les prochaines victimes d'un caprice aveugle de l'empereur ou de l'explosion soudaine du peuple.

Le 31 décembre 192, au retour d'une chasse épuisante, Marcia fait servir à Commode une coupe empoisonnée. L'empereur, qui doit se produire le lendemain dans l'arène, passe la nuit à la villa Vectilienne, l'école de gladiateurs voisine du Colisée. Se sentant lourd et somnolent, il ne se doute de rien et gagne sa chambre.

Au lieu de mourir comme l'espéraient les conjurés, il est pris de violents vomissements qui expulsent le poison. Terrifiés à l'idée qu'il survive et découvre le complot, Marcia, Eclectus et Laetus envoient un jeune athlète nommé Narcisse l'étrangler dans son lit. Le cadavre est discrètement évacué du palais avant que quiconque, à la cour ou dans Rome, ne soupçonne la mort de l'empereur.

Ainsi périt le fils de Marc Aurèle. Ainsi fut abattu, sans le moindre effort, un tyran universellement haï qui, protégé par les artifices du pouvoir absolu, avait opprimé treize années durant des millions d'hommes dont chacun, pris individuellement, possédait pourtant une force physique et des capacités égales aux siennes.

Son successeur Pertinax fait transférer la dépouille de Commode dans le mausolée d'Hadrien. Bien que son nom ait été martelé sur tous les monuments, Commode est divinisé quatre ans plus tard par Septime Sévère. Il reste dans les mémoires comme l'incarnation de la cruauté et de la mégalomanie. Contrairement à son père, universellement respecté, il n'a su ni veiller sur lui-même ni préserver le pouvoir qu'il avait reçu en héritage. Sa mort clôt la dynastie des Antonins.

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