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Marc Aurèle : né le 26 avril 121 à Rome, mort le 17 mars 180 à Vindobona, Autriche

Titre : Imperator Caesar Marcus Aurelius Antoninus Augustus (8 mars 161 - 17 mars 180: 19 ans et 9 jours)

Nom

Marc Aur�le
Marc Aurèle
Musée Saint-Raymond

A sa naissance, il est nommé Catilius Severus. Après le décès de son père, vers 130, il adopte les noms de Marcus Annius Verus. Suite à son adoption par Hadrien, il devient Aelius Aurelius Verus Caesar, puis, à son avènement, Marcus Aurelius Antoninus Augustus.

Naissance

Le 26 avril 121, à Rome, dans la villa de sa mère située sur le mont Caelius.

Famille

La famille de Marc-Aurèle, originaire d'Espagne, de Succubo près de Cordoue dans la province de Bétique (aujourd'hui La Ronda ou Sucubi, dans la province de Grenade), s'est établie en Italie. Sa richesse provient probablement du commerce de l'huile d'olive. La famille s'est également distinguée en politique : les deux grands-pères de Marc-Aurèle ont été consuls, et la soeur de son père, Annia Galeria Faustina, a épousé Antonin le Pieux. Son aïeul, anobli comme patricien par Vespasien, a occupé deux fois le consulat et la préfecture de la Ville. Marc-Aurèle est le petit-fils de M. Annius Verus, beau-frère d'Hadrien, et l'arrière-arrière-petit-neveu de Trajan. Des deux côtés de sa lignée, ses ancêtres ont fourni à l'Empire plusieurs consuls aux carrières remarquables.

Père

M. Annius, fils de M. Annius Verus, décède jeune en 130, n'ayant pas dépassé le rang de prêteur. Marc-Aurèle, alors âgé de trois ans, est adopté par son grand-père, Marcus Annius Verus, trois fois consul, et grandit dans la résidence palatiale de ce dernier, située au Latran.

Mère

Domitia Lucilla Minor, demi-soeur d'Hadrien, devient le pilier affectif de Marc-Aurèle. Orphelin de père dès l'âge de trois ans, il voue une adoration profonde à sa mère.

Cursus

En 126, Hadrien le fait chevalier. Dix ans plus tard, selon la volonté d'Hadrien, Marc Aurèle est fiancé à Ceionia Fabia, la fille de Lucius Ceionius Commodus. En 128 ou 129, il le fait entrer dans la confrérie des Saliens (Prêtres de Mars). La mort de Commodus et le choix d'Antonin comme successeur entraînent de nouvelles dispositions. Le plan de succession prévoit l'adoption par Antonin de Marcus et du fils de Commodus, appelé également Lucius Ceionius Commodus. La céromonie a lieu le 25 février 138.

Sous le règne d'Antonin, Marc-Aurèle suit un parcours accéléré : il est nommé César en 139, devient consul en 140 et participe aux réunions du Conseil impérial. En 147, il se voit attribuer la puissance tribunitienne et l'imperium proconsulaire.

Marc-Aurèle manque d'expérience, mais il se dévoue pleinement à Antonin, l'assistant rapidement dans les responsabilités de sa charge. Vivant dans l'entourage proche de l'empereur, il n'occupe aucun poste militaire ou politique. Cependant, son intelligence, sa détermination, son patriotisme et sa philosophie le rendent apte à assumer les lourdes tâches qui lui incombent. Leur collaboration est harmonieuse. Antonin rompt les fiançailles de Marc-Aurèle avec Ceionia Fabia pour le fiancer à sa propre fille, Annia Galeria Faustina la Jeune. Leur mariage est célébré en avril ou mai 145. Au fil de leurs trente et un ans d'union, Faustine donne quatorze enfants à Marc-Aurèle. Mais, doutant peut-être de sa capacité à porter seul un tel fardeau, il obtient du Sénat d'associer Lucius Verus, son frère adoptif, un homme robuste, jovial et épicurien, au pouvoir. Cette co-régence, qui dure près de huit ans jusqu'à la mort de Lucius Verus en 169, marque le début d'une pratique de partage de l'autorité, qui deviendra une caractéristique du régime impérial tardif.

Le 1er janvier 177, Marc-Aurèle partage une nouvelle fois son pouvoir en élevant son fils Commode au rang de coempereur.

Portrait

Marc-Aurèle grandit dans une jeunesse sereine, entouré de ses grands-pères et arrière-grands-pères, tous d'un âge avancé. Il bénéficie de l'éducation la plus raffinée de son époque, dispensée par les plus grands maîtres et sophistes de Rome. Parmi ses dix-neuf précepteurs figurent Hérode Atticus, qui l'initie à l'éloquence grecque, Cornelius Fronton, à l'éloquence latine, et Volusius Maecianus, éminent juriste, au droit.

A quatorze ans, Marc-Aurèle embrasse le stoïcisme, une philosophie à laquelle il restera fidèle toute sa vie. Il consigne ses réflexions dans un ouvrage que la tradition nomme Pensées. C'est en ce sens qu'il fut surnommé l'empereur philosophe" : non pas un penseur spéculatif, mais un homme engagé dans une discipline de vie rigoureuse qui guide toute son existence. Cette discipline repose avant tout sur une action dictée par la raison. Dès l'âge de douze ans, il adopte le manteau des philosophes et l'austérité d'un stoïcien rigoureux, travaillant sans relâche, mangeant peu et dormant à même le sol. Sa mère, Domitia Lucilla, descendante de Domitius Afer, dut insister longuement pour qu'il accepte un lit recouvert de peaux de mouton.

De santé fragile, Marc-Aurèle souffre d'insomnie, de douleurs gastriques et peut-être d'ulcères chroniques, qui influencent son tempérament, le rendant anxieux, tourmenté et pessimiste. Son médecin, Gallien, tente de le soulager en lui administrant de nombreux remèdes de sa composition.

Après son adoption par Hadrien/Antonin (via une procédure d'adrogation) à l'âge de dix-huit ans, Marc-Aurèle continua de fréquenter ses maîtres. Devenu empereur, il leur accorda honneurs et récompenses : plusieurs devinrent consuls, comme le philosophe Junius Rusticus, qui fut deux fois consul et préfet de Rome, ou Fronton, déjà honoré des faisceaux. A d'autres, il érigea des statues. Leurs portraits étaient placés parmi ses dieux lares, et, à l'anniversaire de leur mort, il allait sacrifier sur leurs tombes, qu'il maintenait toujours fleuries.

Mariage

En 135, lorsqu'il revêt la toge virile, Hadrien fiance Marc-Aurèle à Fabia, fille d'Aelius Caesar, son fils adoptif et héritier présomptif. Ces fiançailles sont rompues par Antonin, probablement pour des raisons d'âge et de convenance. En 138, lors de son adoption par Antonin, Marc-Aurèle est fiancé à l'une des filles de ce dernier, alors âgée de 13 ans. Elle lui donne treize enfants : six filles et sept garçons. Elle décède en 175 à Halea, qui sera renommée Faustinopolis. Dès lors, chaque fois qu'il se rend au théâtre, Marc-Aurèle fait transporter une statue d'or de son épouse sur un char, la fait placer à l'endroit où elle avait coutume de s'asseoir et impose aux matrones de l'entourer.



Dies imperii : 7 mars 161

Règne

Le décès d'Antonin le Pieux, anticipé depuis plusieurs mois, survient le 7 mars 161. Marc-Aurèle avait déjà décidé que le consulat serait partagé cette année-là entre Lucius Verus et lui-même. Bien qu'Antonin le Pieux n'ait apparemment pas envisagé de placer les deux hommes sur un pied d'égalité, Marc-Aurèle s'y attelle immédiatement après la mort de l'empereur.

Il prend pour lui-même les titres impériaux traditionnels d'Augustus et de Pontifex Maximus, tout en adoptant le titre d'Antoninus en hommage à son prédécesseur. Parallèlement, il convainc le sénat d'accorder à Lucius les titres de César et d'Augustus. Il lui attribue également le nom de Verus, issu de sa propre famille. Les deux hommes sont finalement proclamés Imperator ensemble par la garde prétorienne. Des pièces de monnaie sont frappées avec l'inscription Concordia Augustorum, symbolisant l'harmonie des empereurs.

Peut-être motivé par le souhait de consacrer du temps à ses études philosophiques, Marc Aurèle décida d'élever Verus au rang de souverain. Plutôt que de le maintenir dans l'ombre où il se trouvait jusqu'alors, il en fit son collègue et son gendre, marquant ainsi la première fois que l'Etat eut deux dirigeants, bien que le sénat n'ait officiellement attribué l'empire qu'à un seul. En réalité, Verus assuma le rôle d'un lieutenant plutôt que d'un égal, ce qui lui convenait, car il préférait les plaisirs au pouvoir. On raconte que sous son influence, Rome retrouva certaines scènes de débauche dignes de Néron : orgies dans des tavernes populaires, bagarres nocturnes dans les rues, dépenses extravagantes pour des spectacles, jeux et festins, avec jusqu'à six millions de sesterces dépensés en une seule journée. Heureusement, aucune cruauté ne fut à déplorer.

Le calme initial du règne de Marc Aurèle est rapidement perturbé par des inondations et une famine à Rome, ainsi que par de graves troubles sur la frontière orientale. Dès son accession au trône, tout va à l'encontre de ses attentes. Contrairement au règne paisible d'Antonin le Pieux, dénué de crises majeures, celui de Marc Aurèle est tumultueux, marqué dès 161 par des guerres incessantes et brutales, d'abord à l'Est, puis au Nord, aggravées par la peste, les invasions et les révoltes. Les Barbares et divers peuples voisins se rebellent, profitant d'un affaiblissement de Rome, qui n'a pas affiché sa puissance depuis des décennies. Après quarante ans de paix aux frontières, Marc Aurèle, qui aspire à la quiétude des bibliothèques, passe dix-sept de ses dix-neuf années de règne en campagnes militaires. Cette succession de désastres se reflète dans le stoïcisme austère de ses Pensées. Rédigées comme des notes intimes par un empereur philosophe, contraint par le destin à consacrer son énergie aux campagnes sur le Danube, ces réflexions portent sur la mort et la fugacité de l'existence humaine. Elles offrent un rare aperçu de la personnalité d'un empereur, révélant non pas un homme heureux, mais une âme d'une grande noblesse. Des historiens comme Dion Cassius en ont fait un exemple pour les générations futures.

En 161, la Bretagne connaît un nouvel élan de troubles.

En Rhénanie et en Germanie supérieure, les légions font face à une incursion des Chattes.

En 161, les Parthes lancent une nouvelle offensive contre leurs cibles habituelles, l'Arménie et la Syrie. Marc Aurèle envoie son co-empereur Lucius Verus et l'un de ses meilleurs généraux, le Syrien Avidius Cassius, pour contrer cette menace. Ils combattent jusqu'en 166 pour vaincre cet adversaire. Cependant, l'armée d'Orient ramène dans ses rangs la peste, qui ravage Rome et l'empire pendant quinze ans.

Cette épidémie n'a peut-être pas causé autant de morts que certains historiens anciens l'affirment, au point de dépeupler l'empire, mais avec des centaines de milliers de victimes (on estime 200 000 morts rien que dans la capitale), cette catastrophe entraîne de graves répercussions économiques et sociales. Certains historiens modernes y voient même le début du déclin de Rome.

De 167 à 175, Marc Aurèle s'emploie à rétablir l'ordre sur le Danube, où les Quades, Marcomans, Sarmates, Jazyges et autres peuples germaniques, poussés par d'autres groupes, franchissent la frontière de l'empire et menacent le Nord de l'Italie. Les Quades sont défaits en 172, les Marcomans en 173. Selon Dion Cassius, les Romains capturent plus de 80 000 prisonniers. En 175, après leur triomphe sur les Jazyges, plus de 100 000 prisonniers sont libérés, peut-être des sujets romains ayant fui la servitude pour rejoindre la "liberté" barbare.

Pour pallier les pertes de son armée ravagée par la peste, Marc Aurèle est contraint de recruter des gladiateurs, des brigands et des esclaves.

De 177 à 180, l'insécurité ressurgit sur la frontière du Danube, contraignant Marc Aurèle à entreprendre une nouvelle campagne militaire.

En avril 175, une rumeur se répand à Rome selon laquelle l'empereur aurait péri au combat. Cette nouvelle incite Avidius Cassius, l'un de ses généraux les plus loyaux, vainqueur des Parthes et commandant des provinces orientales, à se proclamer empereur en mai 175. Cependant, l'armée demeure fidèle à Marc Aurèle, et Cassius est assassiné trois mois plus tard, évitant ainsi le risque d'une nouvelle guerre civile.

Malgré ces campagnes militaires, Marc Aurèle administre l'empire avec soin, en respectant sa conscience et en collaborant étroitement avec le Sénat.

Il adopte de nombreuses lois, dont plus de 300 textes nous sont parvenus, majoritairement relatifs aux femmes, aux enfants et aux esclaves. Pour accélérer l'administration de la justice, il augmente le nombre de jours d'audience.

Bien qu'il soutienne la vie municipale, il reste indifférent à la détresse des populations rurales.

Il instaure un véritable état civil romain pour prévenir les fraudes liées à la citoyenneté romaine et encourage les talents issus de milieux modestes.

Face au coût élevé de ses guerres pour le Trésor, il s'efforce de résoudre les difficultés financières par une gestion stricte des dépenses et le recours à des mesures exceptionnelles. Ainsi, il met aux enchères le trésor d'Hadrien. Dans l'ensemble, sa politique intérieure s'inscrit dans la continuité de la ligne conservatrice d'Antonin le Pieux.

Sa politique religieuse marque une rupture avec celle de ses prédécesseurs immédiats. Bien qu'il soutienne toutes les religions, Marc Aurèle cherche à limiter l'influence du christianisme. En tant que stoïcien, il ne comprend pas cette foi, qu'il juge comme une "déformation contraire à la nature d'un être raisonnable et sociable". Il ne saisit pas l'obstination des chrétiens à embrasser le martyre et, loin de saluer leur courage, il leur reproche leur fanatisme. En conséquence, les persécutions s'intensifient à Vienne et à Carthage, où les chrétiens sont accusés de "contaminer" les populations et d'attiser la haine en étant tenus responsables de tous les maux. Parmi les martyrs chrétiens notables sous son règne, on compte l'apologiste Justin, exécuté à Rome, et Blandine, une jeune esclave livrée aux bêtes à Lyon en 177, aux côtés de Pothin, un vieillard de quatre-vingt-dix ans, et de nombreux autres chrétiens. Pour Marc Aurèle, les chrétiens représentent une menace pour l'ordre du monde et la communauté des vivants. En refusant de vénérer les dieux reconnus, ils s'excluent de cette communauté et de sa vie sociale, une sédition jugée intolérable et qu'il faut combattre.

La guerre parthique

Sur les vingt années du règne de Marc Aurèle, seules quatre ne sont pas marquées par des conflits violents aux frontières orientale ou septentrionale. La guerre parthique résulte d'un long différend sur le contrôle de l'Arménie, protectorat romain depuis Trajan. En 161, les Parthes chassent le roi proromain d'Arménie, le remplaçant par leur propre candidat, et anéantissent la garnison romaine de Syrie, forte de quatre légions. Ces agressions nécessitent une réponse vigoureuse. Les deux empereurs décident que Lucius Verus se rendra en personne pour diriger les opérations en Orient.

En 162, Lucius Verus arrive en Syrie. L'année suivante, les troupes romaines envahissent l'Arménie, s'emparent de la capitale Artaxata et y placent un roi fantoche. Parallèlement, Avidius Cassius conduit la guerre en Mésopotamie. En 165, il capture Ctésiphon, la capitale parthe, et détruit le palais royal. Les Romains remportent de nombreux succès, notamment la prise d'Artaxata, principale forteresse arménienne, par l'habile Priscus, permettant au roi de retrouver son trône en tant que vassal de Rome. Une grande victoire près de Zeugma, sur l'Euphrate, ouvre aux légions l'accès au coeur de l'empire parthe. Vologèse, qui avait initialement rejeté toute négociation, demande la paix en 165 et cède la partie Nord de la Mésopotamie, que les Romains conservent jusqu'à la fin du règne de Commode. Cette conquête, la seule jugée stratégique à l'Est de l'Euphrate, renforce l'influence romaine en Arménie, où leur vassal règne désormais, permettant de contenir les peuples du Caucase par l'intermédiaire des Arméniens alliés et de tenir en échec l'empire parthe.

Ces victoires eurent un écho considérable en Asie, favorisant l'expansion des relations commerciales romaines. Les chroniques chinoises rapportent qu'à cette époque, un empereur Antonin envoya une ambassade au Fils du Ciel. Ces "ambassadeurs", absents des écrits romains, étaient probablement des marchands qui, dans un but commercial, s'étaient attribué un rôle diplomatique. En échange de dents d'éléphant, de cornes de rhinocéros et d'écailles de tortue offertes à l'empereur chinois, ils reçurent de grandes quantités de soie, qu'ils revendaient dans l'empire à un prix équivalent à son poids en or.

Personne ne peut contester que la guerre parthique s'est conclue par une victoire. En 166, les troupes rentrent d'Orient, et en octobre de la même année, un somptueux triomphe est célébré à Rome. Verus insiste pour que Marc Aurèle partage cet honneur avec lui et accepte les titres officiels d'Armeniacus, Parthicus et Medicus. C'est le premier triomphe célébré depuis un demi-siècle, depuis les éclatantes victoires de Trajan en Orient.

La peste et les invasions

Une peste, originaire d'Ethiopie ou d'Inde, frappait l'Orient, se propageant en Egypte et dans l'empire parthe. En 167, Verus, de retour en Italie avec une partie de l'armée de Syrie, répandit l'épidémie sur son chemin. A Rome, où elle causa de nombreuses victimes, les morts étaient emportés par charrettes entières, certains allant jusqu'à prédire la fin du monde. La maladie ravagea la capitale pendant plus d'une décennie et persista sous le règne de Commode.

Outre l'épidémie, les empereurs doivent affronter les invasions germaniques sur la frontière danubienne. En 166 ou début 167, une première attaque est repoussée, mais les incursions persistent, nécessitant des mesures plus vigoureuses. Au printemps 168, les deux empereurs quittent Rome pour le Nord. A leur arrivée à Aquilée, les combats sont presque achevés, et les bandes germaniques sont en déroute. Verus choisit de rentrer à Rome, mais Marc Aurèle insiste pour traverser les Alpes. Après avoir stabilisé les provinces frontalières, ils se replient à Aquilée pour l'hiver.

Au début du printemps, alors qu'ils regagnent le Sud, Verus est frappé par une attaque qui le rend muet. Il est conduit à Altinum, une petite ville au Nord de la lagune de Venise, où il s'éteint trois jours plus tard. Son corps est rapatrié à Rome et inhumé dans le mausolée d'Hadrien, aux côtés de son père biologique, Lucius Ceionius Commodus, et de son père adoptif, Antonin le Pieux.

Marc Aurèle ne s'attarde pas à Rome. Fin 169, il repart en campagne dans le Nord. Pendant les cinq années suivantes, il affronte les Quades et les Marcomans, peuples germaniques établis au Nord du Danube moyen. En 170, ces derniers franchissent la frontière, envahissent le Nord de l'Italie et assiègent Aquilée. Les troupes romaines ne reprennent l'avantage qu'à la fin de 171, après des combats acharnés dans des conditions éprouvantes. Une bataille se déroule en plein hiver sur le Danube gelé, une autre en plein été dans les plaines hongroises, où la chaleur et la soif mettent les légions à rude épreuve. Tout au long de ces campagnes, Marc Aurèle continue de gouverner, supervisant les procès et gérant les affaires courantes de l'empire. C'est également à cette époque qu'il commence à rédiger ses Pensées, dont le premier livre est intitulé "Chez les Quades, au bord du Gran".

La révolte de Cassius

Marc-Aurèle avait confié à Cassius le commandement suprême des provinces orientales, de la chaîne de l'Amanus à Péluse, face à l'empire parthe. Lorsqu'une révolte éclata en Egypte, il autorisa Cassius à intervenir avec ses troupes, et ce général habile réprima rapidement les insurgés (170). Ainsi, pendant que les empereurs peinaient à défendre la frontière danubienne et que l'un d'eux, épuisé par l'effort, mourait sur le chemin de Rome, leur lieutenant en Orient triomphait du grand roi parthe, conquérant des provinces et soumettant les rebelles. Ces succès lui montèrent à la tête. Convaincu du soutien de son armée, du peuple d'Antioche et de l'Egypte, où son père avait longtemps exercé le pouvoir et dont le préfet lui était fidèle, Cassius se crut capable de reproduire l'ascension de Vespasien. Au printemps 175, profitant d'une rumeur qu'il répandit sur la mort de Marc Aurèle, quelques soldats le proclamèrent empereur.

L'attitude des provinces et des soldats contraignit Cassius à proclamer prématurément l'apothéose de celui qu'il projetait d'éliminer. Respecté pour sa rigueur tant qu'il était resté loyal, Cassius perdit toute autorité dès qu'il s'écarta du devoir. Ses efforts pour maintenir la discipline se retournèrent contre lui, et les soldats, qui avaient longtemps craint le lieutenant légitime de l'empereur, assassinèrent le général usurpateur trois mois et six jours après que son préfet du prétoire l'eut investi des insignes impériaux.

Cette affaire semble n'être qu'une tragique méprise, déclenchée par une fausse rumeur annonçant la mort de Marc Aurèle. Si cette rumeur avait été véridique, une lutte pour le pouvoir aurait éclaté, car Commode, le fils de Marc Aurèle, n'avait que treize ans à l'époque. L'empire aurait pu lui échapper au profit de Tiberius Claudius Pompeianus, sénateur époux d'Annia Aurelia Galeria Lucilla, la fille aînée encore en vie de Marc Aurèle et veuve de Lucius Verus. Pour prévenir ce scénario, l'impératrice Faustine s'empresse de s'allier à Avidius Cassius. Il est peu probable qu'Avidius Cassius ait initialement cherché à renverser Marc Aurèle. Cependant, une fois proclamé empereur par ses soldats, il ne peut plus reculer. D'abord, il connaît quelques succès, notamment grâce au soutien fervent des provinces orientales, lui qui est né à Alexandrie. Mais son entreprise s'arrête net : un soldat loyal à Marc Aurèle l'assassine alors qu'il se dirige vers Rome.

La fin du règne

Conscient de l'erreur d'Avidius Cassius et de l'implication de Faustine, Marc Aurèle s'abstient de déclencher une répression massive, mais prend des mesures pour prévenir de futures révoltes. A son retour à Rome à l'automne 176, après près de huit ans d'absence, il célèbre un triomphe le 23 décembre pour ses victoires sur les Germains. Il confère à son fils Commode le consulat et la puissance tribunitienne, l'emmène inspecter les provinces orientales et partage avec lui le titre d'imperator. Les légions, motivées par des récompenses, lui avaient déjà décerné cet honneur à huit reprises, davantage pour les gratifications qui l'accompagnaient que pour des victoires décisives. Des médailles, tout aussi optimistes, promettent une paix éternelle à l'empire. A peine frappées, celles-ci sont contredites par un nouveau départ de Marc Aurèle, le 5 août 178, pour la frontière pannonienne, où les Barbares, contenus mais non soumis, s'agitent à nouveau. Dès 172, il avait pris le titre de Germanicus et, en 175, il avait exigé que les Marcomans se retirent à cinq milles du Danube, n'y venant que pour les jours de marché, que les Iazyges s'abstiennent de naviguer sur le fleuve et que les Quades libèrent leurs captifs. L'ampleur des ravages causés par ces peuples est révélée par le nombre de prisonniers romains : les Quades promettent d'en libérer 50 000, les Iazyges en rendent le double. En 179, une campagne acharnée est menée contre les Quades. Un autre péril émerge : les Goths, grande nation en mouvement du Nord vers le Sud, pressent les peuples frontaliers, menaçant de rompre la barrière romaine. L'empire aurait eu besoin d'un Trajan pour repousser vigoureusement ces Barbares, mais il n'a qu'un homme intègre, capable de supporter l'adversité sans parvenir à la dompter. Après vingt mois de labeur, d'inquiétudes et de fatigue, qu'il met de côté pour méditer en son for intérieur, Marc Aurèle tombe gravement malade en 180. Depuis des années, il souffrait par intermittence de l'estomac et de la poitrine, peut-être d'un cancer.

Son agonie ne dure qu'une semaine. Il reproche à ses amis leur chagrin : "Pourquoi pleurez-vous sur mon sort plutôt que de songer à la peste et à la mort, ce destin partagé par tous ?" Marc Aurèle s'éteint près de Sirmium, à l'Ouest de Belgrade, le 17 mars 180, à l'âge de cinquante-neuf ans. Rapatrié à Rome et inhumé dans le mausolée d'Hadrien, il est divinisé par le Sénat. Malgré l'arrêt des guerres au Nord et l'abandon des provinces qu'il avait conquises, Marc Aurèle laisse un legs durable : ses Pensées, méditations d'un prince stoïcien.

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