Dioclétien : naissance le 22 décembre 244; mort le 3 décembre 311/312 à Aspalathos (palais de Dioclétien, Split, Dalmatie)Titre : Imperator Caesar Caius Aurelius Valerius Diocletianus Pius Felix Invictus Augustus (20 novembre 284 au 1er mai 305)Nom 
			Dioclès. Lorsqu'il est proclamé empereur, il prend les noms de Caius Valerius Aurelius Diocletianus. NaissanceVers 245, en Dalmatie. FamilleElle semble de condition très modeste. Ses parents auraient même été esclaves d'un certain Anulinus, sénateur romain. PèreSon père exerce peut-être le métier de greffier. MèreSon nom de Diocles viendrait du nom d'une petite ville de Dalmatie, Doclia, d'où sa mère était originaire. MariageIl épouse une certaine dame Prisca qui lui donne une fille, Valeria. Celle-ci épousera, en 293, l'empereur Galère. Soupçonnant sa femme et sa fille d'être chrétienne, Dioclétien les obliges toutes les deux, lors de la persécution de 303, à sacrifier aux dieux. Lorsque Galère meurt en 311, son successeur Maximin Daia propose à Valeria le mariage. Furieux d'essuyer son refus, il la condamne elle et sa mère à l'exil dans le désert de Syrie malgré les plus vives protestations de Dioclétien. Lorsque leur persécuteur meurt en 313, peu de temps après Dioclétien, les deux femmes cherchent refuge auprès de Licinius, mais celui-ci ne tient pas à conserver en vie ces deux anciennes impératrices. Lorsque celles-ci apprennent que ce nouvel empereur a décrété leur mort, elles cherchent leur salut dans la fuite. Rattrapées, vers la fin de l'année 314, à Thessalonique, elles sont décapitées et leurs corps jetés à la mer. PortraitD'après ses biographes et les monnaies qui le représentent, Dioclétien est un homme grand, au maintien imposant, voire majestueux. Il a les yeux bleus, le nez court, les lèvres fines. S'il porte une petite tête ornée d'une barbe, l'intelligence qu'elle contient, par contre, est immensément grande. Les jugements sur sa personne sont des plus constratés. Là où les uns louent sa force de caractère, il n'hésite pas à frapper quand le bien de l'empire l'exige, les autres l'accusent d'être un homme violent, cruel. Là où les uns louent son acharnement à se donner les moyens financiers pour réaliser sa politique, les autres l'accusent de rapacité, d'avarice. S'il est bien vrai qu'il n'a pas l'envergure d'un homme de guerre, il est indéniable qu'il possède le gabarit d'un grand homme politique. CursusDioclétien est commandant des protectores, lorsqu'il est proclamé empereur par ses troupes, à Nicomédie (ou à Calcédoine), le 20 novembre 284, après avoir assassiné le prefet du prétoire, Arrius Aper, soupçonné d'être le meurtrier de l'empereur Numérien. Dies imperii : 20 novembre 284RègneLes crises qui se sont succédées au cours des cinquante années précédentes ont mis en évidence les carences du gouvernement impérial. Le prestige et l'action d'Aurélien ou de Probus n'ayant pas permis d'y remédier, c'est Dioclétien à qu'il revient de prendre les mesures qui vont corriger ces défaillances. Le changement primordial réside dans la division de l'autorité impériale, d'abord entre deux, puis quatre empereurs frères, ceux auxquels se réfère Lactance. Les quatre hommes ont pour tâche la défense des différentes frontières et la prévention de toute forme d'émergence de prétendants au trône. Le fait que Dioclétien ait régné vingt ans et qu'il ait abdiqué pour finir ses jours à l'écart du monde démontre amplement le succès de cette politique. Mais aux yeux de Lactance, les persécutions ordonnées par Dioclétien contre les chrétiens occultent complètement les actes positifs de l'empereur. Dioclétien est né le 22 décembre, aux environ de l'an 245, en Dalmatie, probablement près de Spalato (Split) où il a choisi de passer ses dernières années. D'origine modeste, il est peut-être fils de scribe ou même d'affranchi (ancien esclave) au service d'un riche sénateur. Il choisit la carrière des armes et se distingue suffisamment pour entrer dans le corps d'élite des officiers de l'armée illyrienne, celui qui a dominé l'armée et l'empire pendant les décennies du milieu du IIIe siècle. Durant les années 270, Diocles (c'est alors son nom) sert comme commandant en Mésie, sur le Danube moyen. Il accompagne Carus dans l'expédition perse de 283 en tant que commandant des protectores domestici, ou cavalerie de l'empereur, qui est une partie essentielle de la garde impériale. Il conserve cette charge sous Numérien. On ne peut que formuler des hypothèses sur le rôle qu'il a joué dans le meurtre de ce dernier; s'il est coupable, force est de constater qu'il a réussi à rejeter la responsabilité du crime sur Aper, le préfet du prétoire, qui est un personnage extrêmement ambitieux. Lors de l'assemblée de l'armée en novembre 284, près de Nicomédie, Diocles parvient à déjouer les plans d'Aper et à se faire proclamer empereur par les troupes. La défaite de Carin sur les rives de Margus dix mois plus tard laisse Dioclétien seul maître de l'empire. A la surprise générale, il ne poursuit pas les partisans de Carin, mais cherche au contraire à se les rallier et maintient nombre d'eux dans leurs fonctions. En montant sur le trône, Dioclétien tente de résoudre le problème lancinant de l'usurpation du pouvoir par qui détient une quelconque force armée. Il pense le résoudre en appliquant avec la plus grande rigueur la maxime qui recommande de diviser pour régner. Non seulement il sépare autant que possible le pouvoir militaire du pouvoir civil, mais chaque fois qu'il le peut, il fractionne encore le pouvoir qu'il le peut, il fractionne encore le pouvoir des titulaires des diverses charges. Non seulement il supprime le statut privilégié dont il jouit du point de vue administratif l'Italie, non seulement il réduit à néant le rôle politique de Rome en dotant l'empire de plusieurs capitales interchangeables : Trêves, Milan, Aquilée, Nicomédie, Antioche..., mais il réduit encore pratiquement à néant le poids politique des provinces en réorganisant complètement les structures de l'Etat. Il confie l'empire à deux grands gouvernements, l'un se chargeant d'administrer l'Occident et l'Afrique, l'autre l'Orient et l'Egypte. Chacun de ces gouvernements est à son tour subdivisée en deux préfectures. Chacune de ces préfectures est subdivisée en six diocèses, et chaque diocèse en province d'étendue très réduite. De plus, il se rend compte que pour tuer dans l'oeuf toutes velléités de rébellion, l'empereur doit intervenir partout en même temps. Il pense donc plus sage de partager son propre pouvoir en deux d'abord, puis en quatre. Il choisit comme coempereur un de ses meilleurs amis, un compatriote, Maximien. L'élévation de MaximienAu mois de novembre 285, il surprend ainsi tout le monde en donnant le titre de César et le 1er Avril (ou en septembre) 286, d'Auguste, à l'un de ses proches généraux, avec la charge du contrôle des provinces occidentales. L'objectif de Dioclétien consiste à se débarasser de la menace d'invasions sur le Rhin et avoir ainsi les mains libres pour s'occuper des problèmes de la frontière du Danube. Dioclétien, qui est âgé de quarante ans, a une fille sans doute adolescente mais pas de fils sur lequel il puisse compter. C'est pourquoi il s'appuie sur l'un de ses généraux. Son choix est excellent. Maximien, le nouveau César, est également un officier de l'armé illyrienne, qui a cinq ans de moins que Dioclétien. Fils de commerçants, il est né dans les environs de Sirmium. Comme Dioclétien, il est sorti du rang et s'est distingué au cours de la campagne mésopotamienne de 283-284. Il va se révéler un collègue loyal et compétent pour Dioclétien. Leur relation, qui pourrait se transformer en rivalité, restera toujours fondée sur la confiance mutuelle. A aucun moment, Maximien ne perd de vue le fait que Dioclétien est le premier empereur, même lorsqu'il est élevé au rang d'Auguste, le 1er avril 286. Dioclétien conserve un droit de veto pour toutes les décisions politiques importantes; de son côté, Maximien respecte la sagesse et le jugement de son collègue. Les deux hommes partagent le consulat en 287. Mais s'il trouve sage de partager son pouvoir, il entend cependant demeurer le premier. Il exprime cette volonté, le 21 juillet 287, en prenant le surnom de Jovius, et en donnant à Maximien celui d'Herculius. En se plaçant dans la descendance fictive du père de tous les dieux et de tous les hommes, il marque sa position par rapport à celle de son collègue en le plaçant dans la descendance tout aussi fictive, mais inférieure, du plus imminent des héros, Hercule. Ils proclament qu'ils sont les fils respectifs de ces deux dieux et fixent au 21 juillet 287 leur anniversaire divin. Cette parenté divine est censée inspirer le respect et mettre une distance entre les souverains du monde et le commun des mortels. A la fin de l'année 290, lors d'une rencontre à Milan avec son collègue Maximien, Dioclétien constate qu'ils ne sont pas de trop pour faire face à toutes les tâches. Aussi, après trois années de réflexion, il décide de transformer leur dyarchie en tétrarchie. Du gouvernement commun à la tétrarchieDe 286 à 290, Dioclétien passe cinq saisons à faire campagne sur le Danube et sur la frontière orientale. En 285, il avait déjà combattu les Sarmates; il recommence en 289. Au cours de l'année 287, consacrée à la frontière orientale, il fait une démonstartion de force contre les Perses. Pendant ce temps, Maximien mène des opérations en Occident. En 286, il soumet les Bagaudes, bandes de brigands formées de paysans déracinés qui ravagent certaines régions de la Gaule. L'un de leurs chefs, Amandus, pousse l'audace jusqu'à s'arroger le titre impérial. Maximien concentre ensuite son attention sur la frontière du Rhin. En 288, les deux empereurs montent une expédition commune contre les Alamans. Maximien traverse le Rhin, tandis que Dioclétien progresse à partir du Danube supérieur. Mais l'histoire de ces années n'est pas faite que de succès. En effet, à la fin de l'année de l'an 286, de sérieux troublent éclatent lorsque Carausius, le commandant de la flotte romaine de la flotte du Nord, prend le contrôle de la Bretagne et se proclame empereur. En 289, Maximien tente de détrôner l'usurpateur de Bretagne, mais la puissante marine de Carausius repousse son armée, lui infligeant probablement de lourdes pertes. Malgré la révolte de Carausius, les années 285-290 prouvent l'efficacité du système des co empereurs, expérimenté par Dioclétien. En nommant Maximien César, en 285, Dioclétien fait de lui son successeur. Les années passant, Dioclétien se montre soucieux de prendre des dispositions plus formelles pour régler la succession. Avec sagesse, il préserve le système du gouvernement d'empereurs conjoints qu'il a établi. Lui-même et Maximien s'adjoignent respectivement un souverain plus jeune, un César, qui leur succédera automatiquement dès que l'un ou l'autre mourra ou se retirera du pouvoir. Il choisit donc comme Césars deux généraux illyriens de valeur, Constance Chlore et Galère. Ainsi, le 1er mars 293, Maximien adopte son préfet du prétoire, Constance, comme fils et César. Le même jour, à Nicomédie, Dioclétien confère la même position à Galère Maximianus. Constance est marié depuis déjà quatre ans à la belle-fille de Maximien, Theodora; le mariage de Galère avec la fille de Dioclétien, Valeria, en juin 293, vient compléter le dispositif dynastique. Les sources ne sont pas claires sur la date de nomination de ces deux Césars, il se peut qu'ils aient été élevés tous les deux à cette dignité le 1er mars 293, mais intronisés à des dates différentes. Les nouveaux élus reçoivent la puissance tribunitienne et l'imperium. Entre les quatre s'établit une hiérarchie bien précise. Au premier rang, Dioclétien, au second Maximien, au troisième Constance Chlore qui a été adopté avant Galère, lequel occupe le quatrième rang. Si, au début de leur collaboration, les deux Césars assistent dans toutes leurs tâches les deux Augustes, peu à peu chacun prend plus particulièrement en charge une partie de l'empire : Dioclètien l'Orient; Maximien l'Afrique, l'Italie et l'Espagne; Constance Chlore la Gaule et la Bretagne avec comme capitale Trêves; Galère l'Illyrie, c'est-à-dire les régions situées au Sud du Danube, depuis la mer Noire jusqu'à l'Inn, avec comme capitale Sirmium. En revêtant la pourpre, Dioclétien tente de résoudre un second problème. Comment rendre fort son pouvoir afin de défendre efficacement un empire si vaste et dont les frontières sont continuellement assaillies par d'inombrables peuplades qui n'ont qu'un seul but : les franchir ? Si Dioclétien et ses collaborateurs tentent de répondre à cette question en passant beaucoup de temps à fortifier les frontières, ils entreprennent encore toute une série de réformes qui, à vrai dire, parachèvent celles de leurs prédécesseurs, des Sévères notamment. Non seulement ils réduisent à néant l'autorité du sénat de Rome, mais toutes les mesures qu'ils prennent, aussi bien celles qui touchent à l'étiquette de la cour, au fonctionnement de l'administration, à la composition de l'armée... vont toutes dans le même sens, celui du renforcement de leur autorité. De plus, si Dioclétien n'est pas le premier empereur à se faire adorer publiquement comme dieu, il est le premier à se rattacher à Jupiter en prenant le nom de Jovius et à instituer un véritable rite d'adoration. Désormais, tout personnage admis en sa présence devra s'agenouiller à ses pieds, comme devant la statue d'un dieu, et baiser un pan de son vêtement pourpre. En manifestant par ce nom et ce rite, la présence divine, non pas dans sa personne, mais dans sa fonction, il renforce considérablement son pouvoir. Dioclétien, pour gouverner, a besoin de voir, de toucher concrètement les problèmes à résoudre. C'est la raison qui le pousse à visiter les unes après les autres, les provinces de son domaine, l'Orient. En 285-286, il séjourne à Nicomédie, puis à Tibériade en Palestine, puis à Héraclée en Thrace. En 288-289, il se bat en Rhétie contre les Germains. Au début de l'année 290, il est à Sirmium. En 293 à 294, on le retrouve en Illyrie, en Thrace, à Sirmium de nouveau, à Byzance, à Nicomédie. Victoires en Orient et en Occident (293-298)Des troubles éclatent en Afrique du Nord, où une confédération de peuples berbères, connue sous le nom de Quinquegentiani ("cinq peuples"), a franchi la frontière de l'empire. Dans le Nord de l'Europe, le problème de l'empire indépendant de Carausius n'est toujours pas résolu. En Orient, la Perse se fait à nouveau menaçante : en 293, le belliqueux Narses a renversé Bahram III qui n'a régné que quatre mois. En 296, les Perses s'emparent de l'Arménie, dirigée par Tiridate, roi client de Rome, puis marchent sur Antioche, la capitale de la Syrie. Galère, qui se porte à leur rencontre, subit une cuisante défaite dans les plaines de Mésopotamie, entre Carrhes et Calinicum. L'échec étant imputable au mauvais jugement de Galère, Dioclétien l'humilie publiquement devant l'armée, pour avoir attaqué les Perses avec une armée inférieure en nombre. La victoire de Narses a d'importantes répercussions en Egypte, où elle pousse un obscur prétendant du nom de Lucius Domitius Domitianus à se proclamer empereur. Lorsqu'il meurt (ou est assassiné) quatre ou cinq mois plus tard, en décembre 297, un certain Aurelius Achilleus, tout aussi obscur, prend sa place. Dioclétien rétablit l'ordre au début de 298, après avoir vaincu et tué Achilleus à Alexandrie. Ce soulèvement rappelle les dangers qui guettent le pouvoir central au moindre signe de faiblesse. Après la faiblesse que lui a infligée Narses en 297, Galère a compris la leçon et ne reproduit pas la même erreur. Quelques mois plus tard, avec les renforts venus des armées du Danube, il lance une attaque surprise contre les Perses en Arménie. La victoire des romains est sans appel. Si Narses réussit à fuir le champ de bataille, ce n'est pas le cas de ses femmes, de ses soeurs et de ses enfants qui sont capturés en même temps que bon nombre de nobles Perses. Le traité qui suit la bataille est très favorable aux romains qui obtienbnent le contrôle de nouveaux territoires le long du Tigre supérieur. La frontière est repoussée au-delà du Tigre par l'annexion de cinq provinces "transtigritanes" et par la construction d'un limes truffé de forts et de troupes, fermant les routes du désert de Syrie. La paix que l'on établit alors durera quarante ans. Tandis que Dioclétien et Galère combattent en Orient, Constance et Maximien soumettent l'empire sécessionniste de Bretagne. La tâche échoit surtout à Constance. Durant l'été 293, il reprend les territoires situés sur la côte Nord de la Gaule, dont l'importante base navale de Gesoriacum (Boulogne). Carausius ne survit pas longtemps à cette défaite; un peu plus tard la même année, il est assassiné par Allectus, son trésorier, qui prend aussitôt sa place. Constance ne passe pas immédiatement en Bretagne, mais consacre trois ans à la préparation de sa campagne. Il renforce notamment sa flotte. La grande invasion, lancée en 297, se divise en deux mouvements. Constance, à la tête d'une partie de la flotte, croise près de la côte du Kent, tandis que son préfet du prétoire débarque près de Winchester et marche sur Londres avec ses troupes. Allectus, troublé par ces manoeuvres de diversion, part rapidement vers l'Ouest pour tenter de repousser l'invasion. Il est vaincu et tué près de Farnham. Après dix ans d'indépendance, la Bretagne revient dans le giron de Rome. Si les victoires en Bretagne et dans l'Est écartent les menaces les plus graves pour l'empire, elles ne mettent pas fin pour autant aux nécessaires opérations militaires sur l'un ou l'autre front. Ainsi, Maximien se rend en Afrique du Nord pour combattre les Quinquegentiani; Galère fait campagne contre les Carpes et les Sarmates sur le Danube; Constance triomphe des Alamans sur le Rhin. Les grandes crises d'ordre militaire appartiennent au passé et les innovations majeures des dernières années du règne de Dioclétien concernent désormais les affaires intérieures du royaume. Il passe ensuite, en compagnie de Galère et du fils de Constance Chlore, le futur empereur Constantin, en Egypte, que sa politique fiscale plus sévère a mise en ébullition. Il doit réprimer la rébellion d'un certain Achilleus qui se proclame empereur, en 296 ou en 297, sous le nom de L. Domitius Domitianus. En 298, c'est chose faite après un siège de huit mois de la ville d'Alexandrie où s'est réfugié cet usurpateur. Pour punir cette ville de sa révolte, Dioclétien ordonne la fermeture de son atelier monétaire. Ses inspections et ses interventions le poussent à augmenter de trois cents à quatre cent mille les effectifs de l'armée et à porter le nombre des légions de trente-quatre à soixante-huit, quarante-six stationnant aux frontières, les vingt-deux autres étant réparties à l'intérieur de l'empire et tenues en réserves. En politique intérieure, son activité est tout aussi intense. Dans le domaine du droit, il fit rédiger à Beyrouth deux receuils, le Code Grégorien et le Code Hermogénien. Le premier regroupe les constitutions impériales promulguées depuis Hadrien jusqu'au début de son règne, le second, celles promulguées par lui-même et Maximien. Beyrouth devient dès lors le centre de dépôt de tous les actes officiels de l'empire d'Orient. Nous connaissons de lui mille deux cents rescrits touchant tous les domaines, de la réglementation des moeurs, des testaments, des donations, des dots à la protection de la propriété privée. Afin de pouvoir financer toutes ses réformes, ainsi que les nombreuses constructions qu'il lance un peu partout, il entend que les impôts soient calculés de façon à couvrir les dépenses budgétées. Pour les percevoir le plus justement possible, il entreprend la tâche titanesque de recenser les biens et les ressources de l'empire. Afin de favoriser le commerce et stopper l'inflation, il fait frapper des monnaies en bon or et en bon argent ainsi qu'en bronze. Pour assurer une bonne circulation de cette monnaie qui inspire de nouveau confiance, il crée huit nouveaux ateliers de frapper, les portant au nombre de quinze. Pour conjurer la crise économique, il promulgue, en 301, un édit, l'Edit du Maximum, fixant le prix plafond des salaires et d'un millier d'articles groupés en trois catégories : alimentation, matières premières et produits manufacturés. Si cet édit ne remporte pas le succès escompté, car l'offre reste très en dessous de la demande, l'ensemble de toutes ces mesures amène finalement une amélioration du niveau de vie. Durement éprouvées durant la période de l'anarchie militaire, la centaine de provinces que compte désormais l'empire reprennent vie, redeviennent florissantes. Dans le domaine religieux, sa politique envers le christiannisme connaît deux étapes. Pendant les dix-neuf premières années de son règne, Dioclétien laisse en paix les chrétiens. Mais en 303-304, il promulgue quatre édits visant à faire disparaître la religion chrétienne à abandonner leur foi et à pratiquer la religion impériale, en détruisant leurs églises et leurs livres sacrés, en interdisant leurs assemblées et en édictant une séries de peines à l'encontre de ceux qui refuseraient de se soumettre. La persécution est générale, sévère, sanglante. Pourquoi un tel revirement ? On l'attribue à l'influence grandissante de Galère, son César, sur ses décisions. Or Galère hait passionnément les chrétiens. Il les accuse d'avoir fait échouer l'édit de 301 sur les prix. Mais malgré la violence de la persécution, on sent bien que le coeur n'y est plus. L'antagonisme entre la religion ancienne et la religion nouvelle n'est plus autant exarcebé. On pressent même qu'il va disparaître. Le nouvel empireCe que Dioclétien va léguer de plus significatif à l'empire romain est sa vaste réforme de l'administration impériale. Il met en place un système à deux niveaux, en regroupant les provinces en douze grands 'diocèses", gouvernés par des "vicaires". Les gouverneurs de province et les vicaires ne détiennent aucune autorité militaire. L'armée est pourvue d'une structure de commandement bien distincte de l'administration civile, structure qui chevauche les frontières des provinces de façon à rendre impossibles rébellions et insurrections. Ces nouvelles dispositions fonctionnent bien. Il faut également mettre au crédit de Dioclétien l'introduction de lois et règlements impartiaux, pour la protection des contribuables et pour la promotion d'une nouvelle classe sociale chargée d'administrer l'empire. Les habitants d'Italie sont les grands perdants de la réorganisation provinciale de l'empire. Le pays (à l'exception des environs immédiats de Rome) est désormais soumis à l'impôt et divisé sur le même mode que les autres provinces. Le sénat perd également une bonne part de son pouvoir, même si, pour faire bonne mesure, Dioclétien fait reconstruire le bâtiment sénatorial, détruit par un incendie en 285. Les sénateurs se trouvant presque totalement exclus de l'administration des provinces. A la fin du règne de Dioclétien, ils ne peuvent régir que deux des provinces que leur avait allouées Auguste, en l'occurrence de taille fort réduite. Le déclin du sénat coincide avec celui de Rome elle-même, dont l'importance a fortement décru au sein de l'empire. A la fin du IIIe siècle, la ville a cessé d'être une grande résidence impériale, car trop éloignée des zones frontalières et stratégiques. Dioclétien y est venu une fois seulement avec certitude, en novembre-décembre 303. Le gouvernement impérial est mobile par nature, et le coeur du pouvoir se situe là où séjourne l'empereur. Il n'y en a pas moins, sous les tétrarques, des lieux de résidences favoris, Milan et Trèves en Occident, Thessalonique et Nicomédie en Orient, qui font figure de capitales impériales. Les réformes administratives ne sont qu'une part de la bataille que livre Dioclétien pour laisser à ses successeurs un empire stable et prospère. Il s'attaque également au problème urgent des finances et de l'inflation. Le souverain révise le système d'imposition et s'efforce de stopper l'inflation, en émettant des pièces de monnaie de meilleure qualité. Cette dernière mesure étant un échec, il promulgue l'Edit du Maximum qui fixe le prix de vente et prix d'achat des marchandises et des services. Ce décret, qui forme une précieuse source d'informations sur les salaires et les prix de l'époque, ne parvient pas à enrayer la hausse des prix qui continuent de progresser pendant tout le règne. La grande persécutionPlusieurs empereurs du IIIe siècle ont encouragé le culte du soleil comme thème unificateur, dans la mesure où ce culte pouvait être accepté par une majorité de sujets romains. A l'inverse, Dioclétien revient aux dieux romains traditionnels, Jupiter et Hercule. Ce choix va avoir des conséquences désastreuses pour les chrétiens qui forment désormais une minorité importante au sein de l'armée et de l'administration. L'empereur frappe le premier coup en 297 ou 298, lorsqu'il exige de tous les soldats et fonctionnaires qu'ils sacrifient aux dieux; ceux qui refusent sont obligés de quitter le service. L'affaire en reste là pendant six ans. Puis, le 24 février 303, un édit ordonne la destruction des églises et des livres saints dans tout l'empire, ainsi que des mesures punitives à l'encontre des chrétiens de premier plan. D'autres décrets publiés la même année prescrivent l'arrestation et l'emprisonnement de l'ensemble du clergé chrétien; on ne relâchera leurs membres que s'ils sacrifient aux dieux de Rome. En avril 304, un dernier édit condamne, à la peine de mort cette fois, tout chrétien, religieux ou laîc, qui refuse de faire le sacrifice. Les mesures antichrétiennes sont appliquées de manière variable à travers l'empire. Les provinces occidentales qui sont sous la domination de Maximien et Constance ne sont guère touchées. En Orient, en revanche, Dioclétien et Galère organisent la persécution sur une vaste échelle. Les chrétiens qui refusent d'abjurer sont torturés et exécutés. Les auteurs chrétiens vont rendre Galère responsable de ces événements, en le décrivant comme "le plus mauvais de tous les hommes mauvais qui ont vécu jusque-là". Ils prétendent que c'est Galère qui, durant l'hiver 302-303, à Nicomédie, a vivement insisté pour lancer une campagne antichrétienne et finalement arraché l'accord d'un Dioclétien réticent. Il est cependant difficile de laver Dioclétien de toute responsabilité dans la grande persécution, avec son cortège de martyrs battus, brûlés et jetés en pâture aux lions. La fin du règneAu moment de la promulgation du dernier édit anti-chrétien, Dioclétien est déjà en mauvaise santé. En novembre 303, il séjourne à Rome pour célébrer un superbe triomphe et assister aux festivités qui accompagnent le début de sa vingtième année de règne. En décembre, il part pour Ravenne et tombe malade au cours du voyage, qu'il doit poursuivre en litière. Il lutte encore contre la maladie durant l'été suivant mais, en décembre, il est victime d'une attaque dans son palais de Nicomédie. Contrairement aux prévisions, il ne meurt pas, mais la maladie l'amène à prendre une décision tout à fait inhabituelle : celle d'abdiquer. Il vivra ses dernières années dans le splendide palais qu'il a fait construire à Split, sur la côte dalmate. Le 1er mai 305, coup de théâtre : Dioclétien à Nicomédie et Maximien à Milan démissionnent et nomment deux nouveaux Césars pour remplacer Constance Chlore et Galère promus au rang d'Augustes tandis que Maximin Daia et Sévère II deviennent leurs successeurs et nouveaux Césars. La tétrarchie se voit ainsi maintenue, tandis que Dioclétien se retire à Split et Maximien dans le Sud de l'Italie. L'opinion est surprise. Rien ne laissait présager cette abdication. L'âge, l'usure, une santé défaillante, le sentiment de ne plus pouvoir remplir de façon satisfaisante sa tâche, autant de raisons, semble-t-il, poussent Dioclétien à se retirer. Pour permettre au nouveau système de pouvoir de fonctionner, Maximien doit également abdiquer. Fait remarquable, Dioclétien réussit à obtenir son ahésion. D'après Zosime et Aurelius Victor, Dioclétien se retire par fidélité à ses convictions. A ses yeux, les hommes doivent se soumettre à un ordre du monde dominé par les astres et les cycles. Ses vingt années de règne correspondent pour lui à un certain cycle de l'univers. Dioclétien rentre dans son patrie, la Dalmatie, à Spalato (Split), où il s'est fait construire un magnifique palais. Les événements vont pourtant démontrer que Maximien n'a pas complétement perdu le goût du pouvoir; dès l'année suivante, il est de retour dans l'arène politique. Pour Dioclétien, par contre, la retraite est définitive. Il fait une dernière apparition publique en novembre 308, en participant à la conférence des empereurs à Carnuntum, sur le Danube. Dioclétien, à qui l'on propose alors de reprendre ses fonctions, refuse en disant : "Si seulement vous pouviez voir les choux que nous avons plantés à Salonae de nos propres mains, vous ne considériez plus jamais cela comme une perspective alléchante." Dioclétien meurt à Split, probablement le 3 décembre 311. Lactance affirme qu'il se serait laissé mourrir de faim. Il est clair que, en dépit des choux de son jardin, les derniers mois de Dioclétien ont été marqués par de grandes déceptions. Durant l'été 311, sa femme et sa fille sont expulsés du palais de Nicomédie, puis exilés par Maximin Daia. Plus tard, la même année, Constantin détruit bon nombre de ses propres statues, dans le cadre de l'épuration dirigée contre Maximien. La retraite a dû prendre un goût amer pour le viel empereur qui assiste ainsi à la décomposition de son prestige et à la remise en cause de son oeuvre. Aux yeux des historiens, c'est ce qui, fondamentalement, fait de Dioclétien un empereur à part parmi tous ceux qui ont régné : "Modèle d'une vertu exceptionnelle, il fut le seul, depuis la fondation de l'Empire romain, à redescendre spontanément du faîte où il était monté à la vie privée et à la condition d'un simple citoyen. Aussi, par un privilège sans exemple de mémoire d'homme, quoiqu'il fût mort sipme particulier, on le mit cependant au nombre des dieux." (Eutrope, Abrégé de l'Histoire romaine, IX, 16).  | 
	
