Trajan : né le 18 septembre 53 à Italica, mort le 8 ou 9 août 117 à Selinus, en CilicieTitre : Imperator Divi Nervae Filius Nerva Traianus (28 janvier 98 - 8/9 août 117 : 20 ans)Nom 
			musée Saint-Raymond Toulouse Marcus Ulpius Traianus NaissanceLe 18 septembre 53, � Italica, non loin de S�ville, sur les rives du Guadalquivir. FamilleIl fait partie de la famille des Ulpi, une ancienne et robuste lignée originaire d'Ombrie, dans le Nord de l'Italie, qui a choisi de s'établir en Espagne. Cette famille de colons a gagné une respectabilité incontestable sous le règne de Vespasien. PèreMarcus Ulpius Traianus connaît une brillante carrière sénatoriale qui le mène au proconsulat d'Asie en 79-80. Entre 67 et 68, il occupe le poste de gouverneur de la province espagnole de Bétique, puis, durant la guerre des Juifs, il prend le commandement de la Dixième Légion "Fretensis". En 70, il accède au consulat. De toute évidence, Marcus Ulpius l'ancien est un fidèle lieutenant. Vers la fin de sa vie, en 79, il est désigné gouverneur d'Asie, l'une des provinces majeures de l'Empire romain, et reçoit les honneurs du triomphe. Il s'éteint peu avant l'an 100. CursusTrajan (M. Ulpius Trajanus) naquit le 18 septembre 52 à Italica, sur les rives du Baetis, l'une des plus anciennes colonies d'outre-mer, fondée par Scipion l'Africain pendant la deuxième guerre punique. Il débuta sa carrière militaire sous les ordres de son père, lui aussi nommé Marcus Ulpius Traianus, un officier distingué ayant reçu tous les honneurs militaires et civils. Le fils servit ainsi pendant dix ans comme tribun militaire sous son commandement, d'abord en Syrie en 70, puis sur le Rhin. Vers 85, il devint préteur, avant de prendre la tête de la septième légion � Gemina �, stationnée à Legio (aujourd'hui Leon) dans le Nord de l'Espagne, à la fin des années 80. En janvier 89, il conduisit sa légion sur le Rhin pour soutenir l'empereur Domitien face à la révolte de Saturninus, gouverneur de Germanie supérieure, mais il arriva trop tard pour participer aux combats. Domitien, néanmoins, lui accorda sa confiance et le nomma consul en 91. Courageux, compétent et apprécié dans l'armée malgré sa rigueur, Trajan imposait une discipline stricte mais toujours équitable. PortraitOn ne peut pas dire qu'il soit un bel homme. Ses cheveux sont courts et sans volume. Son visage, assez anguleux, arbore un grand nez, une bouche étroite et des lèvres fines. Il ne fait pas partie du cercle des intellectuels distingués, et bien qu'il ait un goût pour le vin et les mignons, il n'est pas le soudard ivrogne que certains historiens décrivent. Il possède une allure imposante, presque majestueuse, tout en restant capable de se montrer très accessible au peuple. Il entre à Rome à pied, sans escorte, au coeur de l'enthousiasme populaire. Doté de bon sens, il s'entoure de conseillers d'exception, comme Pline le Jeune, Dion de Pruse, Frontin, Neratius Priscus, un éminent juriste, ou encore Apollodore de Damas, un architecte prestigieux. MariageSon épouse, Pompeia Plotina, est originaire de Nîmes. Elle semble être du même âge qu'Hadrien. D'une beauté discrète et réservée, elle mène une vie retirée au sein du palais impérial. Son mariage avec Trajan reste sans enfants. Elle s'éteint en 122. Dies imperii : 25 janvier 98RègneIl est le premier empereur à ne pas être d'origine italienne, bien que la famille de Trajan ne puisse pas pour autant être considérée comme de simples provinciaux. A l'annonce de son accession au pouvoir, toutes les armées lui adressèrent des félicitations dont, cette fois, la sincérité ne peut être mise en doute, car ce choix inattendu représentait un honneur pour elles et une source d'espoir pour les chefs militaires. Lorsque Nerva accède au pouvoir en 96, Trajan est désigné gouverneur de Germanie supérieure. L'année suivante, il reçoit une missive lui annonçant son adoption. On ne sait pas s'il avait été informé au préalable de cette élévation imminente. Sous cet angle, son accession représente un tournant majeur pour l'Empire : celui-ci ne se limite plus aux Romains ou aux Italiens, mais s'étend à tous les citoyens. A Rome, des alliés ont peut-être oeuvré en sa faveur. Une hypothèse suggère en effet que Trajan n'est pas resté un simple spectateur des événements, mais aurait orchestré en secret sa prise de pouvoir avec le soutien de ses partisans. Quoi qu'il en soit, son adoption par Nerva constitue une décision stratégique astucieuse : ce dernier, aux prises avec une situation chaotique à Rome, avait désespérément besoin d'un défenseur influent. Nerva lui transmet son anneau en signe d'investiture. Depuis les rives du Rhin, Trajan proclame, par un geste d'autorité, le début d'une gouvernance ferme à travers l'Empire. Le défi le plus pressant demeure la révolte de la garde prétorienne, menée par son chef Casperius Aelianus. Plutôt que de se rendre immédiatement dans la capitale pour rétablir l'ordre, Trajan ruse en convoquant les meneurs rebelles sous prétexte d'une mission spéciale. Lorsqu'ils se présentent à son quartier général en Germanie, il les fait exécuter sans délai. Ce geste envoie un message clair : l'obéissance est désormais de rigueur. Mais il devient vite évident que cette soumission s'exercera envers la loi, et non envers un dirigeant arbitraire ou tyrannique. Ses dix-neuf années de règne se distinguent par des succès militaires ayant permis d'étendre les frontières de Rome à leurs limites les plus lointaines, ainsi que par un paternalisme affirmé visant à instaurer une administration efficace. Elles sont également marquées par des relations harmonieuses avec le Sénat, qui ont contribué à combler le fossé creusé dans le système de gouvernement romain par le régime autoritaire de Domitien. Trajan répondit par une lettre empreinte de modestie et de dignité, dans laquelle il réaffirmait la promesse faite par son père adoptif, Nerva, de ne jamais condamner un sénateur à la peine capitale. Cette décision lui valut immédiatement une immense popularité en dehors de l'Italie, car il était le premier empereur originaire d'une province. Ne ressentant pas le besoin de se rendre à Rome pour asseoir son autorité, il témoigna de sa confiance envers le Sénat en laissant cette assemblée, ainsi que les consuls, administrer Rome et l'empire. Après avoir réglé les affaires de sa province, il entama une tournée d'inspection le long du Rhin et de la frontière danubienne. Son attention pour cette région ne se limitait pas aux menaces extérieures : un tiers des légions, stationnées sur le Danube et fidèles à Domitien, nécessitaient cette visite de Trajan pour prévenir tout risque de soulèvement. Les intellectuels le tiennent également en haute estime, car il puise ses collaborateurs les plus proches et ses conseillers au sein de leur milieu. Respectueux du droit et du Sénat, et percevant son pouvoir comme une mission administrative plutôt qu'un prétexte à un despotisme arbitraire, il gagne la confiance et le soutien de la classe politique. Trajan à RomeL'entrée de Trajan à Rome, à la fin de l'été 99, suscite de vives célébrations. Les rues sont envahies par une foule enthousiaste, qui se hisse jusqu'aux toits pour l'apercevoir. Trajan arrive à pied, saluant les sénateurs un à un avant de se mêler à la population. Face aux sénateurs, il adopte une attitude empreinte de dignité et de modération, tranchant nettement avec l'autoritarisme de Domitien. Cependant, ce qu'on admire chez Trajan relève souvent de l'apparence plus que de la substance. Par exemple, il prête spontanément le serment traditionnel de respect des lois lors de son investiture comme consul et à la fin de son mandat, mais en réalité, le choix des consuls et des autres magistrats reste entre les mains de l'empereur. En distribuant du blé, en organisant des Jeux et des triomphes, et en prenant en charge l'entretien des enfants pauvres d'Italie - des garçons citadins, libres et légitimes -, Trajan gagne l'affection fervente des classes populaires. D'autres récits attestent que Trajan était un dirigeant compétent, animé par le désir de gouverner avec soin et de favoriser la prospérité de son peuple. Près d'un siècle après, le médecin grec Gallien raconte comment Trajan a restauré le réseau routier italien, en pavant les chemins traversant des terrains marécageux ou boueux, en surélevant certains tronçons le long des berges et en édifiant des ponts pour franchir les fleuves et les rivières. Ces travaux sont corroborés par des inscriptions de l'époque. Les constructionsIl consacre une partie de l'immense butin qu'il a ramené aux travaux publics. Il fait aménager un nouveau port à Ostie, le port de Rome, et édifie son propre forum ainsi qu'un marché. L'empereur inaugurera le forum le 1er janvier 112, suivi de la colonne Trajane en mai de l'année suivante. - ses constructions. Il entreprend la reconstruction et l'agrandissement du Grand Cirque. En l'an 100, il établit Timgad, surnommée la Pompéi africaine, aux portes du Sahara. En 102, il modernise le port d'Ostie (ancien port de Claude) en creusant le lac Trajano, relié au Tibre par un canal appelé Fiumicino, offrant ainsi aux navires une aire de manoeuvre de 113 hectares. En 105, il équipe la ville de Ségovie d'un aqueduc. Entre 107 et 109, il lance d'importants projets d'urbanisme à Rome, notamment les Thermes qui porteront son nom. En 112, il restaure le canal reliant le Nil à la mer Rouge. En 113, il inaugure la colonne Trajane, un impressionnant récit de pierre enroulé autour d'une colonne, située sur le Forum. En 115, il initie la reconstruction d'Antioche, ravagée par un séisme. Soucieux d'améliorer le réseau routier de l'empire pour des raisons stratégiques et commerciales, il ordonne également la construction de nouvelles routes. Il édifia un nouveau forum dont la magnificence surpassa tous ceux des Césars. Avec son arc de triomphe, son temple dédié à la divinité de Trajan, ses deux bibliothèques abritant des ouvrages grecs et latins, sa basilique, ses vastes portiques couronnés d'une foule de statues de grands hommes en marbre et en bronze, formant autour de la statue équestre et de la colonne triomphale du héros impérial une sorte de garde d'honneur, Trajan éclipsa Auguste par sa grandeur. Rome doit à ce grand bâtisseur de nombreux autres embellissements; citons simplement un dixième aqueduc qui achemina l'eau du lac Sabatinus (aujourd'hui le lac de Bracciano) jusqu'au Janicule, connu dans la Rome moderne sous le nom d'Acqua Paola. Les deux ports les plus remarquables d'Italie, que la nature n'a pas entièrement créés seule, sont l'oeuvre de Trajan et existent toujours : celui d'Anc�ne sur l'Adriatique et celui de Civita-Vecchia (Centum Caellae) sur la mer de Toscane. Nombre de routes anciennes étaient en mauvais état, envahies par la végétation, difficiles à escalader, périlleuses à descendre ou interrompues par des cours d'eau impétueux. Grâce aux efforts du prince, les zones marécageuses et basses furent pavées, les passages ardus nivelés, et les eaux indomptées maîtrisées par des digues et des ponts. Sur l'une de ces voies restaurées aux frais du prince, le sénat fit construire l'arc de Bénévent pour immortaliser ces importantes réalisations. Il semble également avoir redonné vie à l'antique cité de Lavinium en y établissant une colonie, un lieu où les consuls et les préteurs, au début de leur mandat, se rendaient pour offrir des sacrifices à Vesta et aux dieux Pénates. La conquête de la Dacie- Pour garantir la sécurité de l'empire, il entreprend des campagnes difficiles contre trois ennemis qui le menacent : les Daces (en Roumanie) entre 101 et 107, les Nabat�ens (en Arabie) de 105 à 106, et les Parthes (en Arménie et Mésopotamie) de 114 à 117. Afin d'améliorer l'approvisionnement de la capitale, il s'empare, en Afrique, des hautes plaines fertiles en blé de la région du Constantinois. Ce soldat trouvait le temps long à Rome (au cours de ses vingt années de règne, il séjourna huit ou neuf ans loin de la ville). Le Rhin et le haut Danube étant apaisés, Trajan estima qu'il était également nécessaire de pacifier le Danube inférieur. De Vienne, au pied du Kahlenberg, jusqu'à Troesmis, en Dobroutcha, huit légions veillaient sur le territoire des Pannoniens et la Mésie. En l'an 101, cinq d'entre elles abandonnèrent leurs garnisons pour se rassembler sur les rives de la Save, qui transporta l'essentiel de l'équipement jusqu'au Danube, près de Viminacium (Costolatz). Trajan les rejoignit, accompagné des dix cohortes prétoriennes ainsi que de la cavalerie batave et maure. L'armée progressa directement par la route, toujours visible sur la carte de Peutinger, traversa l'Eiserne Thor (porte de Fer), puis, en prenant la direction de l'Est, se retrouva face à la principale forteresse dace, Sarmizegethusa (Varhély). Les Daces reconnurent leur défaite; ils remirent leurs armes, les déserteurs, l'aigle capturé à Fuscus, détruisirent leurs forteresses et promirent de considérer les amis du peuple romain comme leurs alliés et ses ennemis comme leurs adversaires. Décébale en personne vint accepter ces conditions sévères. Sa capitale fut occupée par une garnison romaine, reliée par un réseau de postes fortifiés aux camps établis le long du Danube. Cette expédition nécessita deux campagnes (101-102) et trois batailles importantes, au cours desquelles Trajan fut trois fois acclamé imperator par ses troupes. Il fit une entrée triomphale à Rome, portant le titre de Dacique. Cependant, les célébrations qui suivirent cette cérémonie fastueuse étaient à peine terminées que des nouvelles alarmantes parvinrent du Danube. Les Daces retrouvaient leur audace : ils reconstruisaient leurs fortifications, accumulaient des armes, tissaient des alliances avec tous les adversaires de Rome et lançaient des attaques au-delà du Témès contre les Iazyges, ses alliés. Trajan rejoignit alors ses troupes (105), déterminé à mettre un terme définitif à la menace de ce peuple. L'assaut principal se déroula à l'Est, à travers les vallées du Jiul et de l'Alouta. Afin de faciliter l'accès au pont sur le Danube depuis cette zone, il ordonna à son architecte Apollodore de finaliser, près de Turnu-Severin, un pont entamé dès la première guerre. Les vestiges de cette structure subsistent encore au fond du fleuve, où l'on peut observer, lors des basses eaux, seize des vingt piles de pierre qui supportaient autrefois les travées en bois. Cette réalisation, déjà complexe de nos jours, l'était bien plus à l'époque de Trajan. On ne peut qu'admirer les ressources de l'empire qui lança ce projet et le talent de l'architecte qui le mena à bien. A cet emplacement, les rives sont séparées par une distance de 1 100 mètres. Il semble qu'Apollodore ait édifié une île artificielle au milieu du fleuve, en exploitant un haut-fond. Lors des périodes de basses eaux, la profondeur atteint encore 6 mètres dans le chenal principal, doublant lors des crues, avec un débit moyen dépassant 9 000 mètres cubes par seconde. Avant que l'armée romaine ne traverse le pont, Décébale, rongé par l'inquiétude, tenta d'écarter la menace qui pesait sur lui en orchestrant l'assassinat de l'empereur. Cet échec le poussa à solliciter la paix et le remboursement de ses dépenses de guerre, offrant en contrepartie de libérer Cassius, l'un des meilleurs généraux de Trajan, qui avait été capturé par traîtrise lors d'une prétendue conférence. Pour ne pas entraver son prince, Cassius choisit de s'empoisonner. Ce geste de noble sacrifice galvanisa les Romains, qui surmontèrent les obstacles les plus redoutables. L'ennemi, défait à chaque affrontement, fut acculé dans ses derniers retranchements. Décébale, lui, fit preuve de courage jusqu'au bout : lors de la chute de son ultime forteresse, il se donna la mort en se jetant sur son épée, suivi par ses chefs qui se suicidèrent à leur tour. Il avait auparavant dissimulé ses trésors dans le lit d'une rivière dont il avait détourné le cours, après avoir exécuté les prisonniers ayant participé à cette tâche. L'un de ses proches finit par trahir ce secret (fin de l'année 106). La conquête était terminée. Trajan fit prisonniers cinquante mille Daces et s'empara d'un butin incroyablement riche, ce qui lui permit de redresser les finances de l'Etat. Pour consolider cette victoire, il fit venir dans la région située entre le Témès et l'Alouta (englobant le Banat, la Transylvanie et la Petite Valachie) des colons issus de toutes les provinces de l'empire ainsi que des vétérans de toutes les légions. Il y établit deux colonies majeures : Ulpia Trajana à Sarmizegetusa, au coeur du territoire, pour mieux le contrôler, et Tsierna, près du grand pont, afin que ses légions puissent accéder librement à la province. Il fonda également deux autres colonies sur la rive droite du Danube : Oscus (Gicen) et Ratiaria, non loin de Brsa-Palanca. Enfin, face à l'embouchure de l'Alouta, il édifia la ville de la Victoire, Nicopolis, qui porte toujours ce nom. Dans les montagnes de Transylvanie, on trouvait des mines d'or. Trajan en confia l'exploitation à des mineurs compétents venus de Dalmatie, une région habituée à ce type de travaux, qui laissèrent derrière eux de nombreuses inscriptions évoquant certains de leurs usages ou contrats. Rapidement, un commerce dynamique connecta cette terre sauvage aux anciennes provinces. Là, comme dans les cités les plus anciennes de l'empire, on voyait émerger des collèges regroupant des artisans, des associations de marchands étrangers installés dans les villes daces, et même des tombeaux d'hommes originaires de Palmyre ou d'Iturée. Ces derniers, poussés par le service militaire ou le commerce, étaient venus mourir loin de leur soleil natal, dans une triste destinée. Suite à la seconde guerre dacique, Trajan célèbre un nouveau triomphe. Il met en scène des jeux somptueux, où dix mille gladiateurs s'affrontent et onze mille animaux sont sacrifiés. La campagne d'OrientPendant ces conquêtes du prince au Nord, un de ses lieutenants, Cornelius Palma, sortait par la frontière orientale des anciennes limites de l'empire. Le grand désert qui s'étend de l'Euphrate à la mer Rouge enveloppe de ses vagues de sable et de ses nomades pillards la Syrie et la Palestine. Sur la lisière des terres cultivées et presque sous le même méridien se trouvent la grande cité de Damas, que les Romains tenaient depuis longtemps dans une demi dépendance, et les quatre villes de Bostra, Gérasa, Rabbath Ammon (Philadelphie) et Pétra; celle-ci en plein désert, à distance égale de la mer Rouge et du lac Asphaltite, et sur la route des caravanes qui se rendaient de la vallée de l'Euphrate dans celle du Nil. Cornelius Palma s'empara de ces places (105 (l'ère de la nouvelle province commence au 22 mars 106)), réduisit le pays en province (Arabia) et fit de Bostra une colonie qui servit de quartier à la légion IIIa Cyrena�ca. Pétra devint le centre d'un commerce considérable, et l'on vit les nomades, pris du goût des arts, décorer leurs cités de monuments dont les ruines, au milieu de ces solitudes, étonnent et charment le voyageur; tandis que d'autres, gagnés par l'appât de la solde militaire, entraient au service de l'empire; les anciens coupeurs de routes se chargeaient de les garder. La vieillesse approchait : il avait cinquante-neuf ans, peut-être soixante-deux. La Bretagne, trop étroite comme scène, convenait à Claude; les Germains n'offraient aucun motif de conflit; la Dacie s'assimilait tranquillement au latin, et des hauteurs de la Calédonie jusqu'aux rives de l'Euxin, aucun champ de bataille ne se présentait pour un exploit mémorable. Au sud de la Méditerranée, l'empire avait atteint une limite infranchissable, le désert, depuis les cataractes de Syène jusqu'au détroit d'Hercule; ainsi, ni en Afrique ni en Europe il n'y avait quoi que ce soit à entreprendre, du moins le pensait-il. Il ne restait plus que l'Asie. Trajan, de son côté, n'avait pas oublié que la cour de Ctésiphon avait probablement accueilli favorablement les propositions de Décébale visant à constituer une large coalition, susceptible de menacer l'Empire romain en Asie, pendant que les Daces l'attaqueraient directement en Europe. Durant l'hiver 113, l'empereur se rendit à Athènes, où Khosroès, le roi de Parthie, alarmé par l'ampleur des préparatifs dirigés contre lui, lui dépêcha une ambassade modeste, porteuse de somptueux cadeaux, se limitant à demander que Rome accorde l'investiture du royaume d'Arménie à un autre de ses neveux, Parthamasiris. L'empereur repoussa l'ambassade et les présents, déclarant qu'il ferait connaître sa décision une fois parvenu aux rives de l'Euphrate. Au début de l'année 114, il arriva à Antioche. Les événements militaires survenus entre 114 et 117 demeurent largement méconnus, et la chronologie des campagnes parthiques reste floue. Trajan commença par rétablir l'ordre au sein des légions indisciplinées et rebelles des provinces orientales, usant de sa rigueur coutumière pour imposer sa volonté avec fermeté. Il lança sa campagne en plein coeur de l'été, remontant la vallée de l'Euphrate jusqu'en Grande Armé nie. Parthamasiris, dans une première missive, s'était présenté comme roi, mais sa lettre fut retournée sans réponse. Dans une seconde, il omit ce titre et sollicita l'envoi du gouverneur de Cappadoce pour négocier. L'empereur lui ordonna de se présenter en personne. Hésitant à se fier à la parole romaine, l'Arménien finit par se rendre au camp face à l'avancée inexorable des légions. Là, il salua l'empereur, installé sur son tribunal avec l'armée alignée derrière lui, posa à ses pieds la couronne qu'il portait, et attendit en silence, avec la dignité solennelle propre aux Orientaux, que Trajan l'autorise à reprendre son diadème. A la vue de cet Arsacide déchu, semblable à un prisonnier, les soldats poussèrent un cri retentissant, comme après un triomphe, et acclamèrent leur général imperator. Parthamasiris, se croyant piégé, tenta de s'échapper, mais, cerné de toutes parts, il implora l'empereur de lui épargner l'humiliation de parler devant cette foule. Conduit au prétoire, il fut confronté à la volonté du Romain de prolonger l'abaissement de ce descendant des rois des rois. Aucune entente ne fut conclue au prétoire; ramené au centre du camp, le prince dut formuler ses requêtes publiquement. Des Arméniens et des Parthes l'avaient accompagné. Trajan garda les premiers, qu'il considérait déjà comme ses sujets, et permit à Parthamasiris de repartir avec les seconds, sous une escorte chargée de les isoler. Ce qui suivit reste obscur. Eutrope évoque l'assassinat de Parthamasiris. Fut-il tué en tentant de fuir son escorte, ou une attaque fut-elle simulée pour justifier son élimination ? Cela demeure incertain. Toutefois, il est évident que, s'il n'avait pas été victime d'un piège au départ, il le fut à l'arrivée. Trajan, grâce à sa célébrité et à l'immense puissance de ses armées, inspirait une telle terreur que les peuples et les souverains, depuis l'Euphrate jusqu'au Caucase et de l'Euxin jusqu'à la Caspienne, se soumettaient sans même livrer bataille. L'occupation de l'Arménie répondait ainsi à des enjeux majeurs, et Trajan avait eu raison de s'y engager, malgré le moyen discutable qu'il avait choisi, en réglant une question que ni Pompée, ni César, ni Antoine, ni Auguste n'étaient parvenus à résoudre, certains par manque de temps, d'autres par manque d'habileté ou de détermination. Cependant, plus cette conquête était significative, plus il était crucial de la consolider au profit de l'empire, en dotant la nouvelle province d'une organisation civile et militaire capable de la romaniser rapidement, et en consacrant à cette tâche de longue haleine les forces, les ressources et le temps que Trajan allait finalement dilapider dans des expéditions sans valeur. Il passa l'hiver 114-115 à Antioche, ville qui fut presque entièrement détruite par un séisme pendant son séjour. De nombreuses personnes importantes y perdirent la vie, le consul et Vergilianus Pedo furent gravement blessés, tandis que Trajan échappa de justesse à la mort. Au printemps, il franchit l'Euphrate, sans doute à Zeugma, et se rendit à Edesse, dont le prince fut sauvé par son fils. De cette ville, il poussa, au travers de la Mésopotamie, une colonne d'avant-garde conduite par Lusius Quietus; elle prit la forte place de Singara, qui commandait la route du désert; lui-même enleva Nisibe, et, comme tous les chefs de cette région étaient en guerre entre eux ou en révolte contre Khosroés, il put atteindre sans peine les bords du Tigre, en face de l'Adiabène. Le Tigre avait dans ces parages un lit large et profond, il fallait une flotte pour le franchir et pour assurer les communications. On employa l'arrière-saison à construire dans les forêts de Nisibe des bateaux qui se démontaient et que des chariots portèrent aux points choisis pour le passage. Etonnés de voir leur fleuve si facilement vaincu et cette barrière tombée, les asiatiques ne résistèrent pas à une vive attaque, qui donna aux Romains la rive gauche. Quoique ce succès ne valait pas la victoire d'Arbelles, il ouvrit, comme elle, la route de Babylone, que les Parthes, affaiblis par leurs divisions, n'osèrent fermer. Trajan y entra avec le surnom de Parthicus, que ses soldats lui donnèrent, et sacrifia aux mânes d'Alexandre dans le palais où le héros avait expiré (116). L'opinion publique était fascinée par ces victoires éclatantes. Chaque jour, le sénat apprenait la soumission de nouveaux peuples, l'acceptation par des rois de régner sous son autorité, et l'annexion de régions prestigieuses comme l'Arménie, la Mésopotamie et l'Assyrie, évoquant les noms légendaires de Ninus, Sémiramis, Xerxès et Alexandre. Trajan proclamait l'intégration définitive au territoire romain des terres conquises par son armée. L'Arménie était déjà une province; il en créa deux autres : la Mésopotamie, entre le Tigre et l'Euphrate, au pied des monts arméniens, et l'Assyrie, couvrant la vallée Est du Tigre jusqu'aux monts Zagros, frontière avec la Médie. Parallèlement, d'importants préparatifs étaient finalisés : une flotte, acheminée par l'Euphrate, fut transférée dans le Tigre via l'isthme séparant les deux fleuves, ou par le canal Naharmalcha reliant Babylone à Ctésiphon, pour attaquer cette dernière. Les Parthes ne résistèrent pas plus pour leur capitale que pour leurs provinces. Khosroès ou son successeur s'enfuit en Médie; la fille du roi, son trône d'or massif, furent capturés à Suses, et Séleucie, l'ancienne capitale grecque, se rendit. Maîtrisant les principales cités de Babylonie, Trajan descendit le Tigre avec sa flotte, recevant la soumission des chefs locaux, jusqu'à atteindre le golfe Persique. La mort de TrajanPendant un court moment, Rome bénéficie d'un accès au golfe Persique. Cependant, ces succès sont éphémères. Vers la fin de son règne, Trajan subit plusieurs échecs. En 116, une révolte en Mésopotamie contre l'occupation romaine est durement réprimée. En 117, son armée échoue à conquérir Hatra, une cité désertique. Lors d'une inspection des remparts à cheval, l'empereur échappe de peu à une flèche qui tue l'un de ses gardes du corps. Face à la détérioration de la situation, Trajan doit abandonner le siège. Au même moment, une révolte juive éclate en Cyrénaïque, s'étendant à l'Egypte et à Chypre. En Cyrénaïque, on rapporte que 220 000 non-juifs auraient péri durant l'insurrection. D'autres troubles menacent les frontières Nord de l'empire. Trajan confie l'armée à la Syrie et regagne précipitamment Rome pour gérer la crise. Les défections se multipliaient dans le sillage de Trajan : Séleucie s'était révoltée, et l'insurrection des cités du Nord de la Mésopotamie, par où l'armée romaine était entrée en Assyrie, risquait d'isoler les Romains dans le désert. Une issue similaire à celle de l'expédition de Crassus était à redouter. Les généraux de Trajan portèrent quelques coups décisifs : Nisibe fut reprise, tandis qu'Edesse et Séleucie, conquises par assaut, furent incendiées. Ces victoires masquèrent, sous des airs de triomphe, une retraite inévitable. Pour juguler ces troubles, Trajan choisit de rétablir la royauté parthique qu'il pensait avoir anéantie. De retour à Ctésiphon, il couronna Parthamasatès, un Arsacide, roi des rois devant le peuple et l'armée, avant de regagner la Syrie par la voie la plus directe. Bloqué dans un désert aride devant la petite ville d'Hatra, il tenta de la prendre, mais fut repoussé. Un légat et de nombreux légionnaires y perdirent la vie; des membres de son escorte tombèrent à ses côtés. L'empereur, pourtant victorieux et en route vers Rome pour célébrer ses conquêtes, jalonnait son chemin du sang et des corps de ses soldats. Epuisé par les épreuves, rongé par le chagrin et peut-être atteint d'une maladie, comme Alexandre, contractée dans les marais de Babylonie, sa santé robuste s'effondra. Parvenu à Antioche, il fit ses adieux à son armée, mais ne put aller au-delà de Sélinonte, en Cilicie, où il s'éteignit le 10 août 117. Dion Cassius relate la mort de l'empereur Trajan. Epuisé par sa campagne contre les Parthes et affaibli par des troubles circulatoires qu'il attribue à un possible empoisonnement, Trajan est frappé d'une attaque d'apoplexie. Paralysé partiellement, il souffre d'hydropisie et de graves difficultés respiratoires. Le 9 août 117, à Sélinonte de Cilicie (aussi appelée Trajanopolis), il meurt subitement après un règne de dix-neuf ans, six mois et quinze jours. Son corps est rapatrié à Rome pour les funérailles, et ses cendres, placées dans une urne d'or, reposent au pied de la colonne Trajane, symbole de ses triomphes sur les Daces. Il laissait l'Orient en feu. Dans l'île de Chypre, à Cyrène en Egypte, avait éclaté une formidable insurrection des Juifs dont le signal semble avoir été donné par leurs coreligionnaires de la Mésopotamie, et les récentes conquêtes retournaient à leurs anciens maîtres. Une fois de plus l'empire romain, comme au temps de Crassus et d'Antoine, était convaincu d'impuissance à s'étendre au-delà de l'Euphrate et de cette ligne de déserts qui sépare deux mondes. L'Occident même était agité, du moins sur ses bords : les Maures fatiguaient l'Urique de leurs incursions, les Bretons remuaient dans leur île, et les Sarmates menaçaient les provinces du Danube. Concluons l'histoire de ce grand règne avec le voeu exprimé par le Sénat à chaque nouvel empereur après Trajan : " Puisses-tu surpasser le bonheur d'Auguste et la grandeur de Trajan ! " La gloire de Trajan en tant que souverain exemplaire a perduré à travers les âges. Il a établi les critères selon lesquels les empereurs suivants ont été évalués. Sa renommée est restée intacte au Moyen Age, où le poète Dante, dans son oeuvre, le distingue comme le seul empereur non chrétien digne d'accéder au paradis. Bien que la propagande officielle mette l'accent sur ses succès militaires et le dépeigne comme un grand général, c'est surtout par sa gestion des affaires publiques que Trajan laisse une marque durable sur l'Empire.  | 
	
