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Hadrien : né le 24 janvier 76 à Italica, mort le 10 juillet 138 à Baïes

Titre : Imperator Caesar Traianus Hadrianus Augustus (10 août 117 - 10 juillet 138 : 20 ans et 11 mois)

Nom

Hadrien
Hadrien
Musei Capitolini

Publius Aelius Hadrianus

Naissance

Le 24 janvier 76, à Italica, près de Séville, sur les rives du Guadalquivir.

Famille

Sa famille s'était établie à Italica trois siècles plus tôt, lors de la colonisation romaine de cette région espagnole. Issue d'une lignée provinciale peu connue, elle bénéficie de l'essor de Trajan. A la mort de son père en 86, Hadrien, alors âgé de dix ans, est placé sous la tutelle de Trajan, récemment promu à un poste clé à Rome, et d'Acilius Attianus, un chevalier romain.

Père

Le père d'Hadrien, Aelius Afer, décède pendant son enfance, et Trajan devient son tuteur. Aelius Hadrianus Afer, père d'Hadrien, était un cousin de l'empereur Trajan, tous deux originaires d'Italica.

Mère

Domitia Paulina major est originaire de Cadix.

Portrait

Il était grand, bien bâti, avec un visage doux et intelligent. Pour dissimuler des cicatrices, il lança la mode de porter la barbe. Aujourd'hui, on le décrirait comme un intellectuel polyvalent, curieux, doté d'une vaste culture, d'une intelligence remarquable et d'une mémoire exceptionnelle. Habile dans les arts, la guerre et les sports, il vouait également une passion à la chasse.

Ses enseignants sont des érudits, des philosophes, des astrologues, des géomètres, des architectes et des experts en beaux-arts.

Cet humaniste, malgré ses grandes qualités intellectuelles, nourrit certains défauts. Il est vaniteux, égoïste, susceptible, parfois cruel, jaloux de son autorité et envieux de ceux qui le surpassent.

Son endurance physique met à l'épreuve celle de son entourage. Sa capacité de travail surpasse celle de ses secrétaires. Il est capable, simultanément, de lire, dicter et engager une conversation.

Mariage

Trajan l'avait uni à Sabine, vers 100 ou 101, fille de Matidie l'Aînée et petite-fille de sa soeur Marciane, un mariage renforçant la proximité de son pupille, désormais neveu, avec le pouvoir. Bien qu'il exige qu'on entoure son épouse des plus grands honneurs - ne la proclame-t-il pas Augusta en 128 ? -, leur union est connue pour être malheureuse. Sabine s'éteint en 136.

Cursus

Cousin et pupille de Trajan, Hadrien fut éduqué avec soin, suivant les meilleures méthodes de l'époque, peut-être à Athènes, où il développa une passion pour la littérature grecque, au point d'être surnommé le petit Grec. On pense qu'il eut Plutarque comme maître. Esprit curieux, il s'intéressa à tout : médecine, arithmétique, géométrie, musique, astrologie judiciaire et mystères religieux.

Ce savant possédait toutes les vertus militaires qu'un prince peut employer en temps de paix, sans avoir eu, comme empereur, à les prouver en temps de guerre; il gouverna avec sagesse, offrant à l'empire vingt et un ans de prospérité.

Comme beaucoup de jeunes, Hadrien est connu pour sa jeunesse débauchée. A quinze ans, sa passion pour la chasse compromet la première tentative de Trajan de l'orienter vers une carrière militaire. Trajan le dirige alors vers une nouvelle voie en le faisant nommer, malgré son jeune âge, juge (vigintivir) dans une cour romaine traitant des affaires d'héritage. Vers 92-93, Hadrien devient préfet des Féries latines. En 95, il est tribun de la IIe légion Adjutrix en Pannonie, puis, en 96, sous Domitien, légat de la légion V Macedonica en Mésie supérieure. La même année, sous Nerva, il prend la tête de la légion XXII Primigenia en Germanie supérieure. En 97, lors de l'adoption de Trajan par Nerva, Hadrien est missionné pour transmettre les félicitations de l'armée à l'héritier impérial.

En 101, sous Trajan, il devient questeur, accédant ainsi au sénat. En 102, il rejoint l'état-major impérial pour la campagne contre les Daces. En 104, il occupe le tribunat de la plèbe. En 106, nommé préteur, il sert comme légat de la Ière légion Minerva lors de la seconde campagne dacique. Il accompagne Trajan dans toutes ses expéditions, se montrant résistant à l'effort, courageux face au danger et audacieux lors des banquets, une autre façon de gagner les faveurs de l'empereur. Après des succès dans la seconde guerre dacique, il offre à Trajan un anneau orné de diamants, reçu de Nerva lors de son adoption, prouvant sa capacité à honorer ses fonctions. Ses générosités permettent, par exemple, d'organiser des jeux somptueux durant sa préture. En 107, il gouverne la Pannonie inférieure. En 108, ses loyaux services lui valent un consulat suffect avant l'âge légal. Trajan, appréciant son talent d'écrivain et son habileté politique, lui confie la rédaction des discours impériaux, rôle jusque-là tenu par Licinius Sura. Ces faveurs, plus que de simples promesses, le hissent au rang de favori. En 111, il devient conseiller de Trajan. En 112, il est archonte à Athènes. En 114, comme légat en Orient, il participe à la campagne contre les Parthes. En 117, un second consulat et le gouvernement de la Syrie, où il commande les légions d'Orient, renforcent ses ambitions. L'appui de l'impératrice, dont l'affection soutient grandement sa carrière, scelle sa fortune.

Malgré ces progrès, rien ne prouve que Trajan ait clairement choisi son successeur. Bien que soutenu par l'impératrice Plotine, sa position à la cour reste fragile. Les sources sont trop ambiguës pour confirmer si, le 8 août 117, Trajan, mourant, désigne Hadrien comme successeur, comme l'indique la lettre de Plotine au sénat. Ce qui est sûr, c'est que le 9 août, Hadrien, alors à Antioche, est informé de son adoption, et le 11, de la mort de Trajan. L'armée le proclame alors empereur. Hadrien demande au sénat de confirmer ses titres impériaux et entre à Rome au printemps 118.

Une conspiration pour la succession ou l'affaire des quatre consulaires

La nouvelle du décès de Trajan atteint Hadrien, gouverneur de Syrie. Il se rend aussitôt à Séleucie, où le corps de l'empereur est transporté et incinéré. Les cendres sont ramenées à Rome et placées dans le piédestal de la colonne Trajane. Hadrien emprunte un long chemin pour rentrer à Rome, résout une crise militaire au Nord du Danube inférieur et abandonne les territoires annexés par Trajan en 102.

Pour préparer l'accession de son neveu au pouvoir, Trajan avait écarté ceux qui pouvaient lui nuire, notamment les sénateurs Palma et Celsus, qui conspirèrent bientôt contre le nouvel empereur. Ce complot reflétait l'opposition entre l'esprit militaire du règne précédent et l'esprit civil du nouveau. Les généraux déchus, Cornelius Palma, vainqueur des Arabes, et Lusius Quietus, brillant chef de l'armée d'Orient, furent les instigateurs. Palma, ennemi de longue date de Trajan, avait été disgracié par Trajan. Quietus, Maure au tempérament agité, avait été exclu de l'armée, mais avait regagné la faveur de Trajan par ses exploits en Dacie et en Orient. Trajan lui avait accordé le titre de préteur, les insignes consulaires et, lors de la révolte juive en Egypte, le gouvernement de la Palestine, probablement avec celui d'Arabie, pour contenir la rébellion dans les provinces orientales. Hadrien, méfiant de son ambition et de son agitation, l'avait d'abord exilé au gouvernement de la Maurétanie, puis révoqué après de nouvelles intrigues dans cette province.

Lusius et Palma, aguerris par leurs longues années de commandement, n'étaient pas familiers des cercles romains, bien qu'ils fussent consulaires. Pour agir dans la capitale, ils durent s'allier à des figures influentes : deux autres consulaires, Publilius Celsus et Avidius Nigrinus, se joignirent à leur projet. On sait peu de chose sur Celsus, sinon qu'il obtint un second consulat en 113, avant le second de Hadrien. Nigrinus, bien que jeune, était très en vue : Trajan lui avait confié en Achaïe une mission exceptionnelle, réservée aux personnages de premier plan. Selon Spartien, qui s'appuyait sur les Mémoires de Hadrien pour rédiger sa biographie, ce dernier, sans héritier en raison de son mariage stérile, avait envisagé Nigrinus comme successeur potentiel (Lucius Verus, adopté plus tard par Hadrien, était le gendre de Nigrinus). Cependant, Hadrien, âgé de seulement quarante-trois ans et en bonne santé, rendait cette perspective lointaine.

L'empereur fut appelé sur le Danube en raison d'un soulèvement barbare, obligeant les conjurés à différer leurs plans. Des propos imprudents révélèrent toutefois le complot. Le sénat, agissant rapidement, mena le procès et, conscient qu'un rival dans un régime despotique est condamné d'avance, fit exécuter les coupables sans attendre les ordres de l'empereur. De retour en hâte, Hadrien déplora cette justice expéditive, affirmant qu'il aurait épargné, au moins, la vie des accusés. La sincérité de ces propos, exprimés après les faits, peut être mise en doute. Cependant, lorsqu'on observe que Hadrien remplaça peu après les deux préfets du prétoire qui avaient influencé le sénat vers des mesures extrêmes, et qu'il choisit plus tard comme fils adoptif le gendre d'une des victimes, on peut, comme Marc Aurèle, estimer que les sénateurs firent preuve d'une excessive précipitation dans leur démonstration de loyauté.



Dies imperii : 11 août 117

Trajan est décédé le 9 août à Sélimonte, en Cilicie. La nouvelle met deux jours à atteindre Hadrien.

Règne

Dès les premiers mois de son règne, Hadrien a consolidé et renouvelé l'alliance établie par Nerva et Trajan avec l'aristocratie sénatoriale.

S'il refuse les honneurs excessifs et n'accepte le titre de Pater patriae qu'en 128, il cherche néanmoins à asseoir son autorité. Ses relations avec le Sénat se dégradent vite. Sa politique audacieuse, parfois perçue comme révolutionnaire, déconcerte, agace et inquiète. Pour diriger, il privilégie son Conseil impérial et les chevaliers de l'ordre équestre plutôt que la Haute Assemblée.

Au lieu de rester confiné à Rome, Hadrien parcourut l'empire, vivant partout sauf dans la capitale. Son règne fut un long périple à travers les provinces, où il s'efforça de comprendre leurs besoins en les observant sur place et d'évaluer les fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions. Ainsi, il chercha à éviter les erreurs, les négligences et les injustices provoquées par l'écran opaque de la cour et du pouvoir officiel qui, à Rome, séparait l'empereur de son empire.

Hadrien décide rapidement d'abandonner les territoires orientaux conquis par Trajan lors de sa dernière campagne. Un siècle plus tôt, Auguste avait ordonné à ses successeurs de préserver l'empire dans ses frontières naturelles, délimitées par le Rhin, le Danube et l'Euphrate. Trajan, lui, avait franchi l'Euphrate pour annexer l'Arménie et la Mésopotamie. Hadrien choisit de replier ses troupes de l'autre côté du fleuve. Moins brillant militairement que Trajan, il renforce néanmoins la discipline de l'armée et consolide les frontières. Il maintient et amplifie le programme des alimenta de Trajan, destiné à soutenir les enfants démunis.

Au-delà de la frontière, un régime de subsides largement étendu a été mis en place pour maintenir les Barbares chez eux; sur la frontière elle-même, une défense robuste a été établie, reposant sur d'importants travaux de fortification et une discipline rigoureuse au sein des armées.

Il a été observé qu'au lieu de déployer ses forces au coeur de l'Asie, il les a repliées sur la frontière naturelle délimitée par le grand désert de Syrie. Il adoptera une stratégie similaire en Bretagne, selon son biographe, pour ne conserver que l'essentiel. Une fois la frontière clairement établie, évitant soigneusement les imbrications de limites susceptibles de provoquer des tensions, il agit au-delà par la persuasion, les conseils et les présents, afin de favoriser de bonnes relations entre les Barbares et l'empire.

Il influencera les peuples situés le long de ses frontières par une action variée et constante, utilisant l'or, le commerce et, éventuellement, des intrigues.

Cette stratégie de défense, bien que judicieuse à l'époque de Hadrien en raison de la force sous-jacente et de sa modération, deviendra dangereuse en attisant les convoitises des Barbares, que l'empire ne pourra plus maîtriser.

Il effectue trois grands voyages entre 121 et 134, débutant en Gaule et s'achevant par son retour à Rome. Ses déplacements le conduisent de l'Espagne à l'Ouest jusqu'au Pont et à la mer Noire à l'Est, et du désert libyen au Sud à l'île de Bretagne au Nord. Le mur d'Hadrien, construit pour protéger la Bretagne des invasions barbares du Nord, résulte de cette tournée d'inspection, dont les vestiges impressionnants sont encore visibles aujourd'hui.

Soucieux de s'impliquer directement dans tous les secteurs, il s'immisce sans hésiter dans les affaires locales. Ses déplacements en province visent uniquement à vérifier leur bonne administration, à rencontrer ses sujets et à comprendre leurs besoins.

Bien qu'il ne puisse être partout à la fois, il dépêche dans les provinces de l'empire des frumentarii, des agents chargés de lui rapporter chaque détail... et plus encore. Si cette surveillance continue pèse aux fonctionnaires, elle offre au peuple une voix pour se faire entendre.

Il gravit l'Etna pour contempler le coucher du soleil, une entreprise jugée incompréhensible par ses contemporains. Passionné par la Grèce, et particulièrement par Athènes, il s'y rend à trois reprises.

S'il parcourt l'ensemble de son empire, c'est principalement parce que c'est sa façon de le gouverner.

Ses déplacements le long du limes visent uniquement à vérifier la robustesse des frontières, le moral des soldats, leur fidélité, leur discipline et leur aptitude au combat.

En 117, il initie un repli stratégique en Orient. A partir de 121, il renforce les défenses des limes rhénan et danubien. Entre 122 et 127, il fait édifier le mur d'Hadrien, long de 117 km, à la frontière actuelle entre l'Angleterre et l'Ecosse, doté d'une douzaine de forteresses.

En 121, entre mai et août, il part de Rome pour la Gaule.

Au printemps 123, il se rend en Syrie et examine le limes de l'Euphrate pendant l'été et l'automne.

En 124-125, il se rend à Pergame, Ephèse, Rhodes, Eleusis, Athènes, dans le Péloponn�se et en Grèce centrale, avant de regagner Rome à l'été 125.

En 128, Hadrien entreprend un nouveau voyage en Sicile et en Afrique. Son arrivée en Afrique coïncide avec la fin de cinq années de sécheresse. Cette pluie tant attendue confère à Hadrien une réputation de faiseur de miracles.

Après un court séjour à Rome à la fin de l'été, il retourne à Athènes pour lancer d'importants projets. Il y réside de l'automne 128 au printemps 129. Sa grande popularité renforce remarquablement le culte impérial en Grèce, où il est adulé comme une divinité. De nombreux temples sont dédiés à sa personne.

Il hiverne en 129-130 à Antioche, où il fait construire de nouveaux thermes, un aqueduc et un château d'eau. Ensuite, il visite la Phrygie, la Cappadoce, la Cilicie, Antioche, Palmyre, l'Arabie, la Judée et l'Egypte. Là, il perd son favori, le jeune Antinoos, qui se noie dans le Nil vers le 30 octobre 130. Une autre version suggère qu'Antinoos se serait sacrifié pour prolonger la vie de son amant.

En 134, Hadrien regagna l'Italie pour ne plus la quitter. Son goût pour l'architecture profita à Rome, à la péninsule et aux villes provinciales. Il restaura de nombreux édifices sans en effacer les noms des fondateurs, fit construire un vaste tombeau sur la rive droite du Tibre, aujourd'hui le Château Saint-Ange, et édifia le pont reliant cette forteresse à la ville. A sa villa de Tibur, il recréa des lieux évoquant ses voyages : le Lycée, l'Académie, le Prytanée, le Pécile, des temples, des bibliothèques, un théâtre, des champs Elysées et un Tartare, formant un véritable musée du monde. De nombreux objets précieux des musées romains, comme l'obélisque des Barberini, ornant aujourd'hui le Pincio (transporté à Rome sous Elagabal pour la Spina du cirque des Horti Variani, où il fut redécouvert au XVIe siècle), proviennent de cette villa. La flore européenne s'enrichit également des plantes exotiques qu'il introduisit dans ses jardins de Tibur, dont les travaux débutèrent vers 123 ou 124.

Ses nombreux voyages ne l'empêchent pas de mener une vaste réforme législative touchant divers domaines, de l'obligation de porter la toge à l'interdiction d'accorder la citoyenneté aux enfants issus d'unions entre Romains et étrangères. En 131, il instaure � l'Edit perpétuel du préteur �, qui codifie la jurisprudence et garantit une application uniforme des lois. Cet édit demeure, jusqu'au VIe siècle, une référence fondamentale en matière de droit pénal.

Sur ordre de l'empereur, le préteur Salvius Julianus, jurisconsulte dont les travaux ont autant influencé les rédacteurs des Pandectes que ceux de Papinien, rassembla les anciens édits prétoriens et les études sur la lex Allalua, transmises de longue date par les préteurs avec peu de modifications. Il en organisa les dispositions pour constituer ce qu'on appelait déjà l'Edit perpétuel. Ce texte, remplaçant l'arbitraire par une loi stable, représenta un progrès majeur pour les provinces. Il constitua la première version de ce qui deviendrait le Corps des lois romaines, l'Edit perpétuel de Julianus étant considéré comme la source du droit romain jusqu'à la publication du Code de Théodose II.

Il réorganise l'administration en la simplifiant, en la structurant, en établissant une hiérarchie claire et en la confiant à des sénateurs, des chevaliers et des juristes choisis pour leurs compétences.

Il fait preuve d'une grande tolérance envers le christianisme. Pour lui, être chrétien et le proclamer n'est pas un délit. Poussé par sa curiosité, il permet même à l'évêque Quadratus de défendre publiquement le christianisme.

Sans engager de guerres de conquête, Hadrien doit affronter plusieurs révoltes internes : en Mauritanie en 117, en Bretagne entre 120 et 122, où les Bretons et les Brigantes infligent de lourdes pertes aux Romains, et de 132 à 136, une nouvelle insurrection juive. Cette dernière ne découle pas d'une interdiction de la circoncision, mais de la construction d'un temple de Jupiter sur le site de l'ancien temple de Jérusalem. L'hostilité entre Juifs et Romains conduit Hadrien à transformer la Judée en désert. Selon Dion Cassius, environ 580 000 Juifs périssent dans ce conflit, et la Judée devient un désert. L'armée romaine subit également de lourdes pertes. Les survivants, non tués ou vendus, se voient interdire l'accès à Aelia Capitolina, sauf un jour par an où ils sont autorisés à venir pleurer sur les ruines de la ville sainte.

La vie privée d'Hadrien

L'Histoire Auguste critique sa passion pour les jeunes garçons et ses liaisons adultères avec des femmes mariées. Les rapports entre Hadrien et son épouse Sabine sont très tendus. Une rumeur suggère même que Hadrien aurait tenté d'empoisonner sa femme.

L'histoire d'Antinoüs, un jeune homme dont Hadrien s'est éperdument épris, parfois jugé excessivement : en 130, l'empereur l'emmène en Egypte, où Antinoüs trouve la mort dans des circonstances mystérieuses.

Dans son autobiographie disparue, Hadrien relate simplement qu'Antinoüs est tombé d'un bateau naviguant sur le Nil. Cependant, d'autres contemporains évoquent un événement plus sombre, un possible rituel où Antinoüs se serait sacrifié pour Hadrien. Bouleversé, celui-ci fonde la ville d'Antinoé à l'endroit de sa mort et associe une nouvelle étoile à l'âme de son favori.

Le problème de la succession

Cependant, Hadrien vieillissait; la vieillesse et ses maux avaient assombri ses années, le poussant à penser à son successeur. Comme la plupart des princes depuis César, sauf Claude et Vespasien, il n'avait pas de fils. Il obtint du sénat le droit de désigner son héritier, une démarche habile à entreprendre, mais risquée à concrétiser. Si cette autorisation conférait une légitimité préalable au choisi, assurant ainsi la stabilité, elle attisait aussi les ambitions et faisait naître des espoirs, souvent suivis de frustrations et de mécontentement.

Après une longue hésitation, il opta pour L. Ceionius Commodus Verus, le gendre de C. Avidius Nigrinus, qui avait comploté contre lui. Etait-ce une façon de réhabiliter la famille d'un homme qu'il avait estimé, ou une critique de la précipitation du sénat à le condamner ? Quoi qu'il en soit, par cette décision, Hadrien faisait preuve d'une grandeur d'âme, transcendant les rancunes ordinaires. Un don de 300 millions de sesterces aux soldats et de 100 millions au peuple assura leur soutien.

Verus, issu d'une ancienne famille étrusque, possédait, selon son biographe, une beauté majestueuse, qui fut utilisée par les médisants de Rome pour justifier son adoption. Doté d'éloquence et de talents, il menait néanmoins une vie raffinée et fastueuse, typique des riches patriciens. Après son adoption, envoyé en Pannonie, il s'y distingua favorablement. En l'éloignant de Rome, Hadrien cherchait � le protéger des intrigues naissantes et lui confia le commandement des légions pannoniennes, assurant ainsi, par son fils adoptif, le contrôle de l'armée la plus proche de l'Italie.

Le choix récent d'Hadrien, la santé déclinante de l'empereur, sa présence à Rome ou dans son palais de Tibur, facilitant ainsi une action rapide, ont incité l'aristocratie romaine à renouer avec ses anciennes pratiques : elle s'est mise à conspirer, entraînant des complots et des victimes. Ces événements restent pour nous très flous. Il est toutefois clair que des exécutions eurent lieu et que le sénat s'en indigna.

En 120, depuis la Bretagne, Hadrien témoigne de son attachement à l'impératrice ou de son respect en révoquant plusieurs figures importantes, dont Suétone, un secrétaire impérial, Septicius Clarus, préfet du prétoire, et d'autres qui lui avaient manqué de respect. Rien n'indique qu'il ne l'ait pas emmenée dans tous ses voyages; nous savons au moins qu'elle l'accompagna lors de son grand périple en Orient, ce qui suggère une union où la cohabitation n'était pas insoutenable. L'apothéose qu'Hadrien lui accorda était une formalité officielle, mais ses lettres personnelles révèlent un foyer marqué par des sentiments sincères plutôt que par des conflits. La mort de Sabine en 137 ne peut donc pas être imputée comme un crime à Hadrien, dont la mémoire doit être lavée de ce soupçon.

L'homme choisi par Hadrien, Lucius Ceionius Commodus, aurait été un excellent successeur s'il n'avait pas souffert d'une tuberculose avancée. Adopté sous le nom de Lucius Aelius Caesar, il décède le 1er janvier 138. Hadrien se mit alors en quête d'un nouveau successeur. Selon Dion, il réunit au palais les sénateurs les plus éminents et s'adressa à eux en ces termes : Mes amis, la nature ne m'a pas accordé de fils, mais vous m'avez permis par une loi d'en adopter un, sachant bien que souvent la nature donne au père un enfant estropié ou imbécile, tandis que, cherchant avec soin, on peut en trouver un qui soit aussi bien constitué de corps que d'esprit. C'est ainsi que j'avais d'abord choisi Lucius, qui était tel que je n'aurais pu espérer qu'il naquit de moi un fils pareil à lui. Puisque les dieux nous l'ont enlevé, j'ai choisi pour le remplacer un empereur d'une naissance illustre, doux et prudent, de commerce facile, que son âge met à distance égale des témérités de la jeunesse et des négligences des vieillards; soumis aux lois et aux coutumes de nos aïeux, n'ignorant rien de ce qui concerne le gouvernement et résolu à user honnêtement du pouvoir. Je parle d'Aurelius Antoniaus que voici. Bien que je sache sa profonde aversion pour la vie publique, j'espère qu'il ne refusera ni à moi ni à vous de se charger d'un pareil fardeau, et que, malgré son désir contraire, il acceptera l'empire. Ces mots reflètent la dignité d'un prince, et le choix fut guidé par des motifs sérieux.

Le 25 février 138, Hadrien adopte son neveu par alliance, T. Aurelius Fulvius Antoninus Boionius Arrius, qui deviendra Antonin le Pieux. Antonin n'était ni un proche ni un ami intime du prince; il lui fallut même un certain temps pour accepter ce qui, pour lui, représentait des chaînes dorées. N'ayant pas de fils, Hadrien usa de son autorité pour lui constituer une famille légale : il lui fit adopter le fils du récemment défunt César, Lucius Aurelius Verus, ainsi que Marcus Annius Verus, futur Marc Aurèle, dont l'intelligence remarquable et le noble caractère l'avaient déjà impressionné. Hadrien aimait d'ailleurs l'appeler, en jouant sur son nom, le � très véridique �, Verissimus, dans le cadre d'une procédure d'adrogation.

Les dernières années

Une fois les affaires de l'Etat réglées, le prince souhaita s'occuper des siennes. Souffrant intensément, il réclamait avec insistance du poison ou une épée, et, face au refus de ses proches, il se plaignait de ne pas être libre de mettre fin à ses jours, alors qu'il détenait encore le pouvoir de donner la mort aux autres. De plus en plus affaibli, Hadrien, durant les trois dernières années de son règne, fut atteint d'hydropisie et d'artériosclérose, aggravées par des hémorragies et des difficultés respiratoires. Il finit par céder le pouvoir à Antonin et s'éteignit à Baïes le 10 juillet 138. Ses dépouilles furent inhumées dans le somptueux mausolée qu'il avait fait ériger.

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